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Une histoire d’Okonomiyaki

Par Posted on 22 min lecture

L’Okonomiyaki, ça commence à être connu, oui, mais sans être « bien » connu. On lit beaucoup d’approximations sur le sujet. Autour de ce plat, en apparence simple, gravite un univers complexe tant les variantes sont nombreuses et que, finalement, peu semblent avoir pris le temps de vous expliquer les choses de manière complète. Mais ne vous inquiétez pas, car grâce à Horizons du Japon vous allez devenir de véritables bêtes sur le sujet ! Accrochez-vous, car voici un gros dossier de présentation de l’Okonomiyaki, probablement LA référence francophone sur le sujet ! (soyons fous ^^)

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TOUT D’ABORD

Quand on pense à la cuisine japonaise, on ne pense pas de suite aux Okonomiyaki. On a plus de facilité à envisager la gastronomie raffinée du pays. Mais l’Okonomiyaki est le fer de lance d’un autre aspect de la cuisine sur place, où il n’y a absolument rien de sophistiqué ou de délicat. Tout d’abord, il faut savoir que ce plat est un Konamono 粉物」(ou Konamon comme on le dit en patois d’Osaka), un aliment à base de farine qui se trouve dans la catégorie B-kyu GourmetB級グルメ」. Cette catégorie officieuse inclut tous les plats peu chers, populaires, généreux, pas franchement raffinés, mais nourrissants. On peut traduire ça comme les plats de 2e grade, de 2e niveau, bref, appelez ça comme vous le voudrez.

Personnellement l’Okonomiyaki quel qu’il soit n’est pas le plat qui me transporte vers les jardins d’Éden, même si j’aime bien en manger et qu’il m’en faut un de temps en temps. Pour être honnête, lors de ma première fois, j’avais même très moyennement accroché face au côté galette compacte du truc recouvert de sauce dégoulinante. Aujourd’hui je sais pourquoi : je n’avais pas compris tout à fait l’état d’esprit du plat.

Pour apprécier un met, parfois il ne suffit de le trouver bon gustativement parlant, il faut aussi adopter la bonne mentalité, connaître le mode de consommation, le backround et se mettre dans l’humeur adéquate. Manger un Okonomiyaki c’est se plonger dans la culture populaire. Manger un Okonomiyaki c’est faire un bond dans le temps. Manger un Okonomiyaki c’est rendre hommage aux Japonais d’après-guerre qui ont connu la galère.

On parle donc ici d’un plat qui se consomme dans des restaurants décontractés et à la bonne franquette. Ce sont souvent des espaces d’échanges sociaux qui décomplexent facilement les gens. Parfait pour un dîner en compagnie d’une personne avec qui on n’est pas encore à l’aise. L’Okonomiyaki va vous faire fondre la première glace en rien de temps. Rien de classieux ici, on est dans le lourd, le généreux, le dégoulinant et le savoureux. Il y a du sel, du sucre, du gras, des légumes, de la viande ou des fruits de mer, des oeufs, parfois des nouilles, du gluten, de la sauce, de la générosité, des calories à foison, tout un petit monde en soi ; de la vie quoi !

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Sur Osaka on ne se pose pas de question devant un Okonomiyaki. On attrape sa spatule de la main droite (car normalement ça ne se mange pas à la baguette, les tokyoïtes sont prévenus) et on lui fait sa fête, tandis que la main gauche tient une bonne bière (Asahi en bouteille de préférence, avec son petit verre). Les gens distingués qui cherchent l’élégance peuvent rester chez eux ; au mieux ils pourront admirer le beau geste d’un chef-artiste qui vous sculpte cette galette sous vos yeux, sinon c’est vous qui serez derrière les fourneaux individuels, accompagnés des effluves du plat. Car oui, on sent parfois le graillon quand on sort d’un de ces restaurants, surtout ceux à l’ancienne où c’est vous qui préparez la galette sur plaque au milieu de votre table. Vous commandez, et on vous apporte une gamelle avec des trucs crus dedans. À vous de jouer !

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L’OKONOMIYAKI C’EST QUOI ?

Pour la génération Club Dorothée, l’Okonomiyaki c’est avant tout ce truc bizarre qu’on voyait parfois dans les dessins animés de notre enfance. On aurait dit une crêpe, mais pas de Nutella à l’horizon. Où est le beurre, où est le sucre ?!

Ranma 1/2 & Lucile, amour et rock'n roll
Ranma 1/2 & Lucile, amour et rock’n roll

L’Okonomiyaki est composé de farine, d’eau, de beaucoup de chou râpé, d’oeuf, et de divers ingrédients (porc, boeuf, calamar, gingembre, kimchi, fromage, tout ce que vous voulez), le tout avec un peu de dashi (bouillon à base de poisson). On recouvre à sa convenance la galette cuite avec de la sauce, de la mayonnaise, des flocons de bonite séchés, des algues Aonori  (qui ont la fâcheuse habitude de jouer à cache-cache entre les dents), et même parfois de la moutarde forte (karashi) ; le tout pour un mélange détonant de sucré et de salé. Certains recouvrent même la galette de piment. Bienvenue à vous ! Vous êtes en face de l’Okonomiyaki tel qu’on le fait dans les restaurants (old school) à Osaka. De préférence si le menu en japonais est accroché avec des punaises sur du bois collant c’est encore mieux.

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Sur Hiroshima c’est plus complexe. Le standard est de faire d’abord une crêpe, puis ont y ajoute du dashi (bouillon poisson) et du chou par dessus (et parfois des pousses de soja) que l’on fait cuire lentement. Divers coup de passe-passe pendant la cuisson, on garnit de divers ingrédients comme on le fait sur Osaka, porc, calamar, etc. On fait cuire des nouilles, on pose la crêpe et sa mixture sur les nouilles et on recouvre le tout d’une fine omelette. Un coup de sauce, d’algues Aonori, parfois de la mayonnaise aussi, et voilà, vous êtes en face de l’Okonomiyaki d’Hiroshima. Et sur un comptoir en face d’un chef loquace fan des Carp d’Hiroshima, c’est encore mieux (d’ailleurs victoire pour eux cette année).

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Je précise qu’ici aussi ça se mange normalement avec la spatule. A priori il existe de très rares restaurants où l’on peut le faire soi-même, mais c’est peu habituel sur Hiroshima et ça finit souvent en massacre 😉

REMONTER LA PENDULE

Dans l’origine de chaque plat, il y a une part de romantisme. Il n’est jamais évident d’en comprendre les sources et il y a souvent un décalage entre ce que l’on sait et aime répéter aux autres et ce qui est clairement avéré. Par exemple, saviez-vous que Marco Polo n’a jamais rapporté de pâtes en Italie suite à son voyage en Asie ? (Voilà, j’ai fait mon devoir vis-à-vis de mes ancêtres italiens 🙂

Ici nous allons tenter de remonter le temps pour élucider les origines de l’Okonomiyaki. En japonais ce plat pourrait se traduire en quelque sorte comme « le cuit à sa façon ». Comprenez, chacun le prépare comme il l’entend en y mettant ce qu’il veut dedans.

Enquêter sur l’histoire de ce plat est donc compliqué tant chacun semble avoir tenu au pied de la lettre le précepte de son nom, y ajoutant du sien, façonnant, changeant, jusqu’à obtenir ce que l’on a aujourd’hui et ses nombreuses variantes qui forment un arc-en-ciel de saveurs prêtes à vous séduire.

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Pour obtenir des réponses claires sur les origines des plats, sonder les Japonais est souvent peu fructueux. Quand on demande à quelqu’un d’Osaka ce qu’il pense de l’origine de ce plat, on obtient souvent cette réponse :

« Pour moi l’Okonomiyaki c’est du « soul food », je n’ai jamais réfléchi à son origine. »

Le romantisme fait souvent commencer l’histoire de l’Okonomiyaki après la guerre, quand la nourriture venait à manquer et qu’il fallait un plat consistant pour remplacer le riz. De par ces conditions spécifiques, c’est un plat qui a une valeur affective très forte, quelle que soit la région, mais il faut savoir que son origine est en réalité plus vieille encore.

PRÉSENTATIONS 

On la présente parfois comme une omelette, mais ce n’est pas approprié puisque la matière principale qui compose une omelette ce sont les oeufs, ce qui n’est jamais le cas des Okonomiyaki, qui sont plus souvent proches de galettes, même si la description est parfois compliquée.

On la présente parfois comme une pizza, mais je trouve ça moyennement approprié, bien que le point commun « tu mets ce que tu veux dedans » est assez proche. La pizza c’est un plat qui dérive du pain et quand tu manges un Okonomiyaki, ok il y a de la farine dans les ingrédients, mais tu as beau chercher, du pain tu n’en trouvera pas.

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En gros, il y a deux zones géographiques connues pour l’Okonomiyaki : Le Kansai (avec Osaka en haut du podium) et Hiroshima.

Les versions du Kansai et d’Hiroshima sont deux plats différents. En général il n’y a pas de concurrence réelle, car la distinction est assez nette dans la tête des Japonais. C’est peut-être beaucoup moins le cas pour les touristes.

Comprenez bien qu’il arrive qu’un habitant d’Osaka mange un Okonomiyaki à la mode de Hiroshima sans que ça ne lui pose problème. Il ne va pas être désintégré sur place par les Dieux de Naniwa (ancien nom d’Osaka). C’est juste que ce n’est pas la version qu’il va manger chez sa maman, mais ça lui plaît quand même. Quand c’est bon pourquoi se priver ? D’ailleurs on voit régulièrement l’Okonomiyaki à la mode d’Hiroshima dans le menu de certains restaurants à Osaka. Pour le coup, l’inverse semble bien plus rare à Hiroshima, qui jouit pourtant de la plus forte concentration de restaurant d’Okonomiyaki par habitant de tout le Japon. Par contre, si une famille d’Hiroshima avec des gamins décide de faire une Okonomiyaki-Party à la maison (comme une crêpe-party quoi), dans ce cas c’est l’Okonomiyaki d’Osaka qui est serait préféré pour sa simplicité de préparation.

Après peut-être que chacun doit penser que ce sont ses Okonomiyaki qui sont à la base du plat, mais la réalité est peut-être tout autre. Il se pourrait bien que les ancêtres de ces galettes ne soient ni d’Hiroshima, ni d’Osaka. Au moins ça mettra tout le monde d’accord 🙂

Tout d’abord, il est important de savoir qu’il y a deux familles d’Okonomiyaki :

  •  Les Mazé-yaki 混ぜ焼き où globalement tous les ingrédients sont mélangés avant d’être cuits sur la plaque. Méthode principalement utilisée à Osaka
  •  Les Kasané-yaki 重ね焼き où la cuisson se fait par couches distinctes comme il se fait à Hiroshima

Oui, j’ai mis un accent sur le « E » afin d’être sûr que tout le monde prononce bien. Retenez bien ces mots, car vous allez les retrouver souvent tout au long de l’article. Mazé pour les mélangés, Kasané pour les empilés.

Le Kasané-yaki est bien plus complexe à faire que le Mazé-yaki. Au-delà des différences gustatives, il y a aussi un décalage de mode de consommation entre Osaka et Hiroshima.

À la base sur Osaka, l’Okonomiyaki c’est un truc hyper convivial et simple que l’on fait soi-même et que l’on mange aussi bien chez soi (ce point est important) qu’au restaurant, notamment sur des tables avec une plaque chaude (le fameux Teppan 鉄板) au centre. Sur Hiroshima, c’est un plat convivial, mais plus technique, consommé surtout au restaurant et préparé devant vous sur comptoir par un pro ou une Mama-san.

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AU COMMENCEMENT

Aussi loin que l’on puise remonter la pendule, le principe de « crêpe/galette » aurait été pensé par le maître de thé Sen no Rikyu à la fin du 16e siècle. Sen no Rikyu, né à Sakai (Osaka) est tout simplement un des maîtres du mouvement Wabi-Sabi et un des pères de la cérémonie du thé japonaise. Rien que ça ! Il aurait pensé à une pâtisserie nommée Fu no Yaki麩の焼き」une sorte de crêpe garnie cuite sur une plaque qui se serait transmise jusqu’à Edo (actuelle Tokyo). On ne sait pas vraiment de quoi était composée cette pâtisserie, mis à part qu’elle était sucrée pour se marier à merveille avec l’amertume du thé. Les Sukesô-yaki助惣焼」 et les plus célèbres Dora-yaki, originaire de Tokyo, seraient des évolutions du dit Fu no Yaki. Pour l’instant on reste dans le sucré, mais on a un début de pâte de farine cuite et accommodée de diverses façons.

Plus tard, en 1819, le Monja-yaki fait son apparition à Tokyo. Vous connaissez ? David en fait de très bons ! On le présente souvent comme un dérivé ou une évolution de l’Okonomiyaki, mais en réalité le Monja-yaki est plus ancien. Cette version très liquide aurait été assaisonnée de sauce soja au départ puis de sauce Worcester. Cette sauce anglaise serait arrivée au Japon à l’ère Meiji (1868-1912) et aurait tout de suite plu au palais des locaux. C’était nouveau, ça venait des pays qu’il fallait prendre en exemple, c’était super « hype » quoi ! La sauce et ses dérivés deviendront un point important pour l’avenir des Okonomiyaki ainsi que pour beaucoup d’autres plats. On va y revenir plus tard.

Tout ça c’est super, mais les Monja-yaki, trop liquides, n’étaient pas pratiques pour une vente à emporter. C’est pourquoi, dans les années 30, certains Yatai (restaurants ambulants) auraient alors pensé au Dondon-yaki どんどん焼」fait avec une pâte plus solide enroulée autour de baguettes et que l’on mange en la mordant comme une brochette. Idéal donc lors de festivals en plein air.

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L’APPARITION DES KASANÉ-YAKI

À l’ère Taisho (1912-1926), dans le Kansai (certains disent Kyoto, d’autres disent Osaka), serait apparu un des plus directs ancêtres de l’Okonomiyaki : le Yoshoku-yaki 「洋食焼き」 plus communément appelé Issenyoshoku一銭洋食」. Les 2 noms subsistent, mais le plat est presque identique. Le Yoshoku-yaki c’est un Kasané-yaki  très simple fait d’une crêpe de farine de blé, garni de choux, de viande, de divers légumes et d’un peu de sauce.  C’était un en-cas (おやつ) apprécié des enfants.

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Aperçu d’un Yoshoku-Yaki tel qu’on peut le trouver encore (rarement) sur Osaka aujourd’hui.

Sur Osaka, de nombreuses marques de sauces ont vu le jour. Le Yoshoku-yaki se développe bien et arrive dans d’autres régions du pays, notamment à Hiroshima. Je rappelle que le Yoshoku-Yaki est un Kasané-yaki comme les actuels Okonomiyaki de la ville de la paix.

De ces ancêtres d’Okonomiyaki il reste aujourd’hui quelques traces comme le Kabétsu-yaki 「キャベツ焼き」à Osaka ou le Kashimin-yakiかしみん焼き」 de Kishiwada. Mais le plus important de ces ancêtres est le Négi-yaki 「ねぎ焼き」dont le restaurant Yamamoto du Juso (Osaka) est considéré comme le précurseur. Le Négi-yaki est une des grosses variantes d’okonomiyaki que l’on retrouve partout dans Osaka aujourd’hui.

Vendeur de Kabétsu-Yaki sur le trottoir à Osaka
Vendeur de Kabétsu-Yaki sur le trottoir à Osaka

UN MOT SUR LA SAUCE

Depuis l’ère Meiji, les plats à base de farine de blé et de sauces Worcester étaient considérés comme des plats hauts en couleur, modernes, élégants même (ハイカラ)  et d’influence étrangère, d’où le nom Yoshoku-yaki, « Yoshoku » voulant simplement dire cuisine occidentale. Le Yoshoku (洋食), en gros, c’est de la Western Food à la sauce japonaise, et c’est le cas de le dire tant il suffisait de balancer cette sauce sur n’importe quoi pour que ça devienne du Yoshoku dans la tête des gens. Pour en savoir plus sur le Yoshoku, vous pouvez consulter cette page du projet Osaka-en-bouche auquel j’ai participé.

Tout ça pour dire qu’il ne faut donc pas négliger l’influence de la cuisine occidentale dans le développement des Okonomiyaki modernes. Ces derniers, bien que faisant partie des spécialités du pays, restent des plats liés au Yoshoku. On est donc, pour moi, hors du pur Washoku 和食, le nom officiel de la cuisine japonaise. C’est vrai quoi, regardez ! Une galette de pâte à base de farine, de la sauce dérivée du Worcester, de la mayonnaise, etc.

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Pour information, le Tonkatsu, l’Omurice ou encore, le curry japonais, sont de bons exemples de cuisine Yoshoku.

J’en profite pour indiquer que les Gyoza et Ramen, pour ne citer qu’eux, sont des plats originaires de la cuisine Chûka (中華), entendez par là, cuisine chinoise.

Beaucoup d’Occidentaux m’ont dit « J’adore la cuisine japonaise » ! Et quand je leur demande de nommer les plats qu’ils aiment, certains me répondent : « L’ Okonomiyaki, le Tonkatsu, les Ramen et les Gyoza ». C’est bien. Sauf qu’aucun de ces plats n’est véritablement représentatif de la cuisine japonaise de base. Je conçois que c’est un thème délicat tant la gastronomie, comme les langues, est vouée à ne jamais rester figée. Tout est fait d’apports, d’influences, d’adoption et d’évolutions, mais il est important de comprendre le côté exotique que revêtent les plats en sauce pour les Japonais de l’époque.

D’ailleurs, notez qu’un des noms donnés à la farine de blé à cette époque était Meriken-ko「メリケン粉」. Meriken, c’est tout simplement la prononciation de « American » par les Japonais de l’ère Meiji. Par extension, au 19e siècle, tout ce qui venait de l’autre côté de la mer pouvait porter le nom de Meriken.

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La région du Kansai avec Kobe et Osaka a été particulièrement inventive avec les dérivés des sauces Worcester. La sauce Tonkatsu, inventée en 1948, et autres plus ou moins épaisses comme la Nôko Sauce 「濃厚ソース」voient le jour après la Seconde Guerre mondiale. Sur Hiroshima on a probablement la plus célèbre marque avec le mastodonte Otafuku qui possède une énorme part du marché national. C’est la sauce standard là-bas. Dans le Kansai, il y a un monopole moins important où il existe de nombreuses marques comme Oliver, Ikari ou encore Hermes Sauce (non non, pas la marque française). Avec toutes ces marques, beaucoup de restaurants préparent leur mélange original afin d’obtenir un goût unique pour se démarquer des autres. Dans le même genre, certains restaurants confectionnent une mayonnaise maison également.

ET LES MAZÉ-YAKI ALORS ?

Certains estiment que le gros courant du Mazé-yaki date du début de l’ère Showa (1926 – 1989) à Tokyo et aurait été transmis à Osaka par la suite. Oui, vous avez bien lu ! TOKYO. Non seulement une bonne partie des plus anciennes sources du plat (Monja-yaki et Dondon-yaki) en sont originaire, mais aussi le tout premier Mazé-yaki connu. On ne sait pas exactement à quoi il ressemblait néanmoins.

LA QUESTION EST DE SAVOIR QUAND EST-CE QU’ON A UTILISÉ LE MOT OKONOMIYAKI POUR LA PREMIÈRE FOIS.

La plus vieille mention écrite d’un Okonomiyaki remonte au livre « Watashi no shokumotsu-shi » publié en 1931/1932. L’auteur, Ikeda Yasaburo, explique que dans un quartier de plaisir de Tokyo, fréquenté normalement par des clients plus ou moins fortunés et des Geishas, un établissement aurait installé des plaques dans une pièce en tatami invitant les clients à cuire eux-mêmes une galette selon leurs goûts, d’où le mot Okonomiyaki. Quand il s’agit de cuire soi-même son Okonomiyaki, le Mazé-yaki s’impose par sa simplicité.

SI ÇA A COMMENCÉ À TOKYO, POURQUOI ÇA NE S’EST PAS DÉVELOPPÉ DANS CETTE VILLE ?

Bonne question. Sur Tokyo, le plat ne se serait pas propagé parce que le restaurant en question ne proposait pas que des galettes à manger, si vous voyez ce que je veux dire 🙂 A priori il y avait d’autres douceurs au menu. L’établissement était dans un quartier louche et ses activités étaient directement liées à des business pas clairs, notamment la prostitution. Le restaurant était un endroit tenu secret et officiait aussi discrètement comme maison close. Pour faire simple, l’Okonomiyaki là-bas, c’était un plat hyper underground ^^

Ceci explique pourquoi le plat serait resté marginal malgré l’ouverture de restaurant Sometaro en 1938 à Asakusa. Pour information, il existe encore. C’est le plus vieux restaurant d’Okonomiyaki du Japon encore en activité. Le chef ne le dira pas, mais sa recette a dû sacrément évoluer au fil des ans pour s’adapter aux évolutions et aux apports si nombreux des restaurateurs d’Osaka et d’Hiroshima.

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Malgré la mauvaise connotation du plat, cette manière ludique de manger se serait tout de même transmise à Osaka en 1937 avec l’ouverture à Kitashinchi (quartier de plaisirs et de bonne bouffe) du restaurant Itoya (fermé depuis) qui lui ne proposait qu’à manger. L’Okonomiyaki est arrivé lavé de son image louche pendant le voyage jusque dans le Kansai, et c’est propagé pendant et après la guerre. C’est bon, on le fait soi-même, à sa façon, comme l’aime tant les habitants d’Osaka, ville où on s’affirme souvent bien plus qu’à Tokyo. De plus, il était peu cher à faire, dans l’air du temps, et remplissait bien l’estomac. Un plat parfait pour ces périodes difficiles d’après-guerre. La popularité du plat est donc très liée aux circonstances de l’après-guerre. On verra que c’est encore plus vrai sur Hiroshima où sans la guerre, peut-être que l’Okonomiyaki actuel n’aurait jamais vu le jour là-bas.

Ce n’est pourtant qu’à partir de 1970 que l’Okonomiyaki a été reconnu dans tout le Japon comme un plat typique d’Osaka. Grâce notamment à des chaînes emblématiques comme BotejyuChibo ou Yukari, créateurs de nouveaux styles, avec de la mayonnaise (dès 1953 chez Botejyu)) en plus de la sauce et de l’igname râpé pour alléger la pâte.

1970 correspond aussi à l’année de l’Expo universelle d’Osaka, la première de l’histoire en Asie. L’afflux de visiteurs et de touristes a eu un impact considérable dans le rapprochement entre Osaka et Okonomiyaki.

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L’arrière de la fameuse Tour du soleil, de l’artiste Taro Okamoto, construite pour l’Expo Universelle de 70

Jusqu’alors c’était ce plat que l’on cuisait soi-même, mais petit à petit dans la ville, on voit apparaître des restaurants où on laisse un chef vous le préparer. Les techniques de professionnel devant les yeux apportent une valeur ajoutée qui font du plat quelque chose de plus respecté qu’une simple galette que l’on cuit un peu à l’arrache de manière ludique. C’est très étonnant de voir les différences d’ambiance qu’il peut y avoir entre les restaurants d’après-guerre qui n’ont que peu évolué, et ceux qui tendent à se moderniser et à devenir plus classes.

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Dans ce genre de vieilles gargotes que j’adore, il n’y a que des habitués, que ce soit les clients ou Hector, le cafard qui se balade parfois en été. 

Aujourd’hui, beaucoup de restaurants proposent néanmoins les deux manières de faire : par le chef ou une Mama-san, ou soi-même. Le faire soi-même reste très ancré néanmoins. C’est propre au style d’Osaka et c’est, je le rappelle, une des grosses différences avec l’Okonomiyaki de sa cousine.

ET POUR HIROSHIMA ALORS ?

Sur Hiroshima, on a une base identique à celle d’Osaka avec le Yoshoku-yaki. C’est ensuite que les choses se séparent clairement.

On pense que les habitants ont arrangé un Yoshoku-yaki que les enfants avaient l’habitude de manger dans des Dagashiya駄菓子屋」, des sortes de magasins de bonbons, en remplaçant le poireau par du chou (plus facile à obtenir toute l’année), en ajoutant les pousses de soja ainsi que divers ingrédients. Ils ont adapté cet en-cas afin de compenser le manque de nourriture qu’il pouvait y avoir après la guerre. Il fallait un plat nourrissant, une alternative au bol de riz. La présence américaine aurait permis aux habitants d’obtenir facilement beaucoup de farine de blé, la fameuse Meriken-ko. C’est ainsi que serait né l’Okonomiyaki d’Hiroshima après la Seconde Guerre mondiale.

Là-bas, il semblerait que le plat était souvent préparé par des veuves de guerre qui, pour gagner leur vie, ont aménagé leur cuisine pour faire de la petite restauration. Pas trop d’influence de l’Okonomiyaki apparu à Tokyo donc. Ça explique pourquoi il n’y a pas de Mazé-yaki sur Hiroshima.

C’est aux alentours de 1955 que les nouilles se seraient ajoutées au plat, transformant la préparation de manière plus concrète vers la forme que l’on connaît actuellement dans la ville.

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Si aujourd’hui un Okonomiyaki avec du porc et de l’oeuf est un standard, avant les années 60, il était parfois rare d’en trouver. Beaucoup n’étaient alors garnis qu’avec du chou et des nouilles (parfois même sans nouilles).

Quand un client voulait un Okonomiyaki à emporter, il venait avec une assiette et on y déposait sa galette encore chaude dessus emballée avec du journal pour qu’elle ne refroidisse pas. On parle ici d’un Japon qui nous semble très loin, mais ô combien charmant ! J’adore m’imaginer à quoi pouvait ressembler un Hiroshima d’après guerre comme ça.

Justement, après la guerre, les employés de la marque Otafuku, aujourd’hui célèbre entreprise locale, allait acheter les épices nécessaires à Osaka, qui était, je le rappelle, le garde-manger du Japon (天下の台所), là où on trouvait toute la bouffe du pays et même plus, pour fabriquer une Worcester Sauce, commercialisée à partir de 1950.

Sur Hiroshima, comme partout ailleurs, au départ on utilisait cette sauce Worcester liquide pour assaisonner l’Okonomiyaki, avant que les locaux n’imaginent une sauce parfaitement adaptée au plat, plus épaisse, telle qu’on la connaît aujourd’hui. Le simple ajout d’amidon de pomme de terre  a permis d’obtenir une texture idéale qui se répand moins et accroche plus à l’Okonomiyaki, à la manière de la Nôkô Sauce utilisée dans le Kansai. Cette sauce d’Otafuku sera la première à être nommée sauce Okonomiyaki, nom repris ensuite dans tout le pays.

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C’est à partir des années 80 que l’Okonomiyaki du style d’Hiroshima (広島風のお好み焼き) s’est développé dans tout le Japon, soit 10 ans plus tard que pour la version d’Osaka. Le mot Okonomiyaki étant déjà attribué pour la galette d’Osaka, c’est alors qu’est apparue une expression pour les différencier :

  • 広島風お好み焼き ou  広島焼き (Hiroshima-fû Okonomiyaki ou Hiroshima-yaki) Okonomiyaki à la mode d’Hiroshima

Il faut savoir que les habitants d’Hiroshima n’appelleront jamais leur galette Hiroshima-yaki, et ils ont bien raison ! Malgré tout, l’usage de l’expression Hiroshima-yaki reste très forte dans tout le pays pour qui le mot Okonomiyaki fait de base plutôt penser à la version d’Osaka. Hiroshima-Yaki permet donc de distinguer facilement les deux variantes. Il y a même une page Wikipédia sur la dénomination. Mais normalement, le mot à employer pour les galettes d’Osaka et Hiroshima est toujours le même : OKONOMIYAKI. Il faut simplement préciser de la version de quelle ville vous faites mention. (J’entends déjà les fainéants râler au fond).

LES VARIANTES

La famille des Okonomiyaki est grande, très grande.

Sur Osaka, en attendant que votre galette cuise, on mange souvent des Yaki-soba (des nouilles sautées). C’est un classique !

Il existe d’ailleurs de nombreux genres d’Okonomiyaki différents sur les menus d’Osaka. De quoi s’emmêler les pinceaux :

  • Les Okonomiyaki standards : la Mazé-yaki avec divers ingrédients
  • Le Négi-yaki 「ねぎ焼き」 : on enlève le chou et on le remplace par du poireau. Souvent servi avec de la sauce soja ou du Ponzu à la place de la sauce classique
  • Le Modern-Yaki 「モダーン焼き」: Mazé-yaki standard garni en plus de nouilles. Oui c’est costaud !
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Les entrailles d’un Modern-Yaki bien costaud rien que pour vous

Sans parler des autres dérivés moins directs comme :

  • Le Tonpei-yaki 「とん平焼き」: une sorte d’omelette avec du porc et la fameuse sauce. Très répandu dans le Kansai, mais qui existe aussi sur Hiroshima, sous une forme légèrement différente.
  • Le Tchobo-yaki 「ちょぼ焼き : une crêpe épaisse.
  • Le Kabétsu-yaki 「キャベツ焼き」: un des ancêtres de l’okonomiyaki que l’on trouve encore à Osaka pour seulement 140¥ à emporter.

Mais cette grande famille est loin de se réduire qu’aux villes d’Hiroshima et Osaka.

Vous avez par exemple :

  • Le Monja-yakiもんじゃ焼き」 à Tokyo, dont je parle plus haut
  • Le Shigure-yakiしぐれ焼」à Fujinomiya
  • Le Nikuten肉天」à Kobe
  • L’Onomichi-yaki 「尾道焼き」à Onomichi
  • Le Kure-yaki (呉焼き) à Kure
  • Le Dago 「ダゴ」sur l’île de Kyushu
  • Le Hirayachiヒラヤーチー」 à Okinawa
  • Le DàBǎnShāo (大阪燒) à Taiwan, directement inspiré de l’Okonomiyaki d’Osaka

SONDAGE

J’ai effectué un petit sondage (qui n’a aucune valeur statistique réelle) sur Twitter récemment :

C’est une surprise pour moi. La version d’Osaka remporte les suffrages haut la main, ce que je n’aurais pas imaginé.

J’ai pourtant plutôt l’impression que l’Okonomiyaki d’Hiroshima est plus médiatisé auprès des Occidentaux. Je trouve même que la cuisine d’Hiroshima est souvent réduite qu’à ça dans les articles et photo, ce qui est vraiment dommage ! Bon, sur Osaka aussi c’est un peu le même souci, on réduit ses spécialités aux seuls Takoyaki et Okonomiyaki. C’est tellement réducteur !

Concernant le sondage, je me demande si finalement le problème ne vient pas du nom. Peut-être que pour beaucoup c’est spécifiquement le mot Hiroshima-Yaki qui évoque pour eux l’Okonomiyaki d’Hiroshima.

CONCLUSION

L’Okonomiyaki étant un plat que l’on cuisine soi-même ou que le chef prépare devant vous, il a été très facile de le copier. Les nouveaux restaurants ouvrant les uns après les autres, s’imitant et s’influençant pour obtenir la richesse que l’on a aujourd’hui. Remonter le temps à ses trousses nous pousse probablement à supposer d’éventuelles connexions. En cuisine, il y a toujours des inspirations quelque part. Les traces les plus anciennes remontent peut-être à Tokyo, mais ça ne fait pas de l’Okonomiyaki une spécialité de la capitale.

De toute façon, les origines peu importe. Il n’y a que le plaisir de manger qui est important. Finalement, les Okonomiyaki, bien que différents, font partie d’une même famille. Alors, tous à vos spatules et bon appétit ! (^_^)/

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier Yann, mon ami et collègue à Hiroshima, pour avoir répondu à mes questions et pour m’avoir permis d’illustrer cet article avec quelques une de ses photos. J’ai parlé de lui récemment. Vous pouvez voir ça ici.

Merci également à Judith du blog Jud à Hiroshima que je conseille vivement de suivre. Elle fait vraiment du bon boulot et montre un Japon du quotidien comme je l’aime. On a pu discuter pas mal de temps sur l’Okonomiyaki et elle a même sondé un peu son entourage afin de m’éclaircir sur divers points. Mes connaissances sur l’Okonomiyaki d’Hiroshima étant moins riche que pour celui d’Osaka.

Je vous remercie d’avance de partager cet article et de le commenter. J’y ai passé de longues heures et vos réactions m’intéressent. Si ça vous a plu, merci de me le faire savoir. Ça me donnera peut-être des idées pour la suite. Car oui, je vous le rappelle, j’ai toujours des idées en tête ^^

Sources :
– http://ja.wikipedia.org/wiki/お好み焼き
– http://www.otafuku.co.jp/laboratory/culture/history/his01.html
「食のルーツ」なるほど面白事典, publié par PHP研究所 – 大阪の教科書 Version 2015, publié par 創元社/増補改訂

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L’air du temps … celui qui ne fait que passer

Par Posted on 4 min lecture

C’est une balade en mars 2012. Un an après la grande catastrophe du nord-est du Japon. Je marche seul, mais je suis accompagné de la ville d’Osaka et de mon vieux Pentax. Je me laisse porter par les ruelles japonaises et découvre une maison isolée, recouverte de taule. Un de ces taudis charmants que l’on voit souvent au Japon. On dirait que celle-ci ne demande qu’à s’écouler. La rouille sur la taule et le bordel autour lui donne un aspect tiers-monde vraiment marqué.

Taudis japonais

Je continue mon chemin et passe devant 3 maisons mitoyennes. On dirait une Nagaya, mais elle est un peu différente de celles que je croise régulièrement. Sa beauté m’interpelle et je reste planté là quelques instants jouant au jeu des devinettes. Qu’est-ce qu’il se cache à l’intérieur ? Depuis quand cette maison existe ? Qui vit ici ?

Nagaya de Lino Ventura

Le ciel gris ne me motive pas franchement à continuer à faire de la photo. Je décide de revenir le lendemain.

C’est sous un beau ciel bleu que la journée commence cette fois. Je piétine à nouveau les chemins d’hier, approfondissant les moindres recoins. C’est que j’ai des Osaka Safari en préparation moi !

Le soleil c’est une invitation à sortir quand on est dans les mois froids de l’année. Je vois plus de monde dans les rues ainsi que des oiseaux en pleine activité. En repassant devant la Nagaya, une vieille dame sort et, me voyant fixer sa maison, elle me dit :

– C’est joli n’est-ce pas ?
– Oui, très. J’aime beaucoup les vieilles maisons japonaises.
– Celle-ci date de l’avant-guerre. J’ai grandi ici. Mais plus personne ne vit là à part moi. Mes voisins ne sont plus là.

Vieille dame

J’ai toujours une admiration pour ces destins fidèles à un lieu. N’ayant plus de voisin, elle s’occupe des fleurs elle-même. Tout en portant ses plantes, elle continue :

– Comme il fait beau, j’en profite pour mieux exposer mes plantes. Elles ont besoin d’affection.
– Comme nous tous non ?
– C’est vrai. Vous venez d’où ?
– De France.
– Ah ! C’est un beau pays !
– Merci. Le Japon n’est pas mal non plus.
– Oui c’est bien le Japon, mais la France ce n’est pas n’importe quoi !

Elle enlève son bonnet et regarde le ciel bleu.

– J’aime bien Jean Gabin et Lino Ventura.
– Ha ha ! Vous connaissez bien ! Mais il faut savoir que Lino Ventura est Italien.
– Ha bon ? Bah désolé alors.
– Non, ça me fait plaisir car je suis à moitié italien de par ma maman.
– C’est vrai ? Bon alors, oui, j’aime bien Lino Ventura.
– À cette époque la France et l’Italie avaient vraiment beaucoup de connexions artistiques. Mais aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas. Plus le temps passe et plus la France perd sa latinité j’ai l’impression.

Je lui propose mon aide pour déplacer un gros pot de fleurs. Elle refuse disant qu’elle a l’habitude. Puis elle me dit :

– Tout change tout le temps de toute façon.
– Je comprends. Changer c’est une chose, mais disparaître c’est une autre. Quand je vois votre maison, j’aimerais qu’elle ne disparaisse jamais.
– Elle sera détruite un jour, comme toutes les autres.

Ce jour j’ai attendu le soleil se coucher et le voir baigner le reste du monde lumineux d’un dernier rayon.

dernier rayon

Je suis repassé plusieurs fois dans les parages au cours des années suivantes. Je n’ai jamais recroisé ma vieille dame, mais sa maison était toujours-là.

Un dernier passage il y a quelques jours et voilà ce que j’ai retrouvé.

bye bye

Un pincement au coeur et une légère colère m’envahit toujours quand ce genre de chose arrive. Ce n’est pas la première fois ni la dernière.

Comme lors de mon premier contact avec cette maison qui n’existe désormais que dans les souvenirs de gens qui s’en souviennent, je joue au jeu des devinettes. Qu’est-il arrivé aux habitants, à ma vieille dame ? N’y avait-il pas mieux à faire que de tout détruire ? Que vont-il construire de moche et d’impersonnel à la place ?

Je continue mon chemin. Et ma vieille baraque de taule aussi a disparue.

les restes

Ce sont comme des destins qui s’envolent. On rase tout pour tourner une page. Un lieu n’est qu’un espace physique qui flotte dans l’air. Nos souvenirs ne sont que de vagues sensations qui flottent dans nos coeurs et nos esprits.

Actuellement mes voisins détruisent leur maison. Il veulent en construire une plus grande au même endroit.

maison detruite

Ce n’est pas une pratique unique au Japon, mais cette capacité à détruire est tellement banalisée ici. Les seules maisons anciennes qu’il reste ne sont que des miraculées.

Parfois finalement, ce sont les maisons des classes populaires qui restent sur pied le plus longtemps. Pourquoi ? Car ils n’ont probablement pas l’argent nécessaire pour la détruire eux-mêmes afin d’en avoir une plus moderne, plus dans l’air du temps … celui qui ne fait que passer.

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Découvrez Hiroshima et Miyajima avec Yann

Par Posted on 3 min lecture

Il y a 10 ans, lors de mon premier voyage au Japon j’ai visité Hiroshima et Miyajima. J’y suis retourné en 2009, en 2012, et en 2016 pour des raisons à chaque fois différentes. Je pensais avoir fait l’essentiel, mais comme tous les touristes de passages j’étais passé à côté du coeur des choses.

Depuis que je travaille dans le projet Japon Safari, où l’on pousse la découverte du Japon à un degré unique, j’ai bien compris que tous les endroits méritent qu’on s’y attarde. Tout est intéressant quand on sait vraiment où regarder. Lorsqu’on croit avoir fait le tour d’un lieu, c’est qu’en général on a vu que les grandes lignes, celles qui éclipse les autres et nous aveuglent parfois.

Emmené cette fois-ci par l’ami Yann qui opère les Hiroshima/Miyajima Safari, je peux dire à présent avoir pu voir au-delà. Je fais mon maximum pour permettre aux voyageurs qui font les Osaka Safari de découvrir le coeur et l’essence de ma ville. C’est plaisant de se laisser transporter par un collègue sur son terrain de jeu un peu comme je l’avais fait avec David à Tokyo. Ça me donne l’impression de vivre un peu ce que je mes voyageurs peuvent vivre à mes côtés. C’est très agréable 🙂

On ressemble parfois à des magiciens, tant un lieu se colore avec nous. Yann, m’a fourni toute une palette de pigments pour colorer l’île de Miyajima et la ville d’Hiroshima. Sur l’île sacrée, on n’a pas croisé un touriste, alors que Miyajima est réputée pour être noire de visiteurs. Il y a Miyajima avec lui et sans lui. Sur Hiroshima on a vu des coins sympas, car la ville est agréable. On y mange très bien et Yann, le gourmand sait toujours où nous emmener pour déguster des spécialités. Hiroshima pour beaucoup c’est la ville de la bombe atomique, un fait historique lié à la mort, mais il est important de la regarder aujourd’hui pleine de vie. Bien sûr, on ne passe pas à côté de son passé dont la ville porte encore les stigmates. Avec Yann, on aborde ce sujet difficile de manière interactive et sensorielle. On touche, on observe, on réfléchit et on regarde. On ressent l’histoire jusque dans les tripes alors qu’on a pas posé les pieds dans le fameux musée de la paix.  Je ne vous en dirais pas plus. Je ne vous en montrerais pas plus. Je vous laisse découvrir tout ça de vos propres yeux aux côtés de Yann. 

Bravo l’ami, c’est du bon boulot !

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En voiture de Tokyo à Osaka en passant par les Alpes japonaises

Par Posted on 7 min lecture

J’ai posté dernièrement un gros article où je revenais sur ces années précédentes à explorer le Japon.

Il conclut une époque, un état d’esprit et met en place la suite, différente, plus locale. Mais les voyages ne s’arrêtent pas pour autant. Fin octobre je repartais pour une mission un peu spéciale avec des voyageurs que je connaissais. Cette mission débutait à Tokyo et finissait à Osaka. Le véhicule principal : la voiture. C’est parti ! Direction Tokyo tout d’abord en Shinkansen.

Comme je l’écrivais il y a quelques années, le Mont Fuji est capricieux.

Tokyo

Revenir à Tokyo est toujours quelque chose de spécial pour moi. J’y ai tant de souvenirs. Mon amour pour Osaka étalé sur les réseaux me fait souvent passer pour quelqu’un qui n’aime pas la capitale, ce qui est totalement faux. Ce qui me dérange parfois c’est la manière dont certains la voient ou lui accordent des privilèges en parlant d’elle. En tout cas c’est un plaisir d’être là même si je dois reprendre les bonnes manières.

Je reviens donc sur les lieux qui m’ont marqué il y a 10 ans. Une chasse nostalgique des plus agréables sur les traces de mes premiers pas au Japon ; le tout en prévision d’un gros article posté le 26 janvier 2016. Je vous invite à le lire si ce n’est pas déjà fait.

Le lendemain c’était les géniaux Tokyo Safari avec l’ami David, dont voici une présentation : Découvrez les David Michaud Safari  

Kamakura

Puis c’est parti pour la mission ! Je récupère la voiture et les clients le matin et direction le mont Fuji avec un passage éclair sur Kamakura. Je sais que ce n’est pas rendre hommage à cette ville si riche et agréable et sa plage de sable noir (si souvent sale malheureusement). Mais il faut faire des concessions.

Région du Mont Fuji

On sort des zones urbaines pour s’approcher de la nature. C’est toujours un plaisir d’être sur les routes, mais ce n’est pas encore cette fois-ci que nous aurons la clémence des divinités pour observer le volcan. Un voile se formait à notre arrivée dans la région. C’était joli certes, assez pour prendre un bon cliché, mais les gros nuages de pluie sont arrivés dans la foulée.

Stop à Gora pour déposer les clients au Gora Kadan, un hôtel prestigieux dont la patronne parle un italien absolument parfait. Je n’ai dormi à l’hôtel (faut pas exagérer non plus), mais les voyageurs m’ont généreusement invité à dîner avec eux. La vie est parfois luxueuse avec moi 🙂

Vallée de Kiso

Un vieux coup de coeur depuis longtemps. Ça doit faire bien 7 ans que j’ai découvert ce si joli coin du Japon. J’y ai quelques adresses secrètes qui valent le détour, notamment une auberge cachée où pendant le repas on a l’impression de manger les saisons. Le lendemain visite rapide d’une brasserie de saké et balade à Magome et Tsumago avec quelques interactions avec les locaux. Ces deux petites ville-étapes de l’ancienne route de Nakasendo sont vraiment jolies. Tsumago a particulièrement ce charme rustique typique de la campagne.

Shirakawago

Le fameux village aux toits de chaume. Il y en a plusieurs au Japon et pas seulement dans cette région. On ne fait que passer à travers les Alpes japonaises pour rejoindre Kanazawa. C’est toujours sympa de se balader dans ce village bien qu’il soit devenu très touristique.

On en vient toujours à se demander jusqu’à quand le tourisme fait du bien et à partir d’où il commence à nuire à l’ambiance d’un lieu. Mais la vie est ainsi faite. Nous voulons tous faire des découvertes étonnantes et parfois ça implique de devoir se partager ces privilèges. Qu’il y ait du monde je peux comprendre, mais là où j’ai plus de mal à accepter la chose c’est quand un lieu, qui n’était pas abandonné, se trouve dénaturé de sa fonction première.

Pour rejoindre Kanazawa j’ai décidé de prendre le chemin le plus long, mais de loin le plus beau, j’ai nommé la route Hakusan Super Rindo qui s’habille d’automne en ce moment. Venir titiller les sommets tandis que le soleil rasant colore la nature a quelque chose de jouissif. C’est dangereux en tant que conducteur, car dans ces moments-là ce n’est pas la route que l’on a envie de regarder, un faux pas et nous voilà partis pour un vol plané dans le vide. Je n’ai pas envie de mourrir surtout qu’actuellement, face à ces si beaux paysages, je ne suis pas sûr que le paradis face le poids.

Kanazawa

Là encore une ville chargée de souvenirs. Comme je le dis souvent, la seule ville qui, selon moi, mérite le titre de « Petite Kyoto ». On y retrouve le même degré de raffinement bien que l’esthétisme soit différent. Kanazawa et son jardin, Kanazawa et ses quartiers de Geisha, dont les maisons, fardées de pigment Bengala, ne ressemblent à aucune autres du pays.  Kanazawa et sa cuisine qui se transporte dans les embruns.

De retour à Kanazawa, une ville où les poissons et fruits de mer sont excellents ! pic.twitter.com/tSNyVs9e6L

On fait quelques classiques. Jardin Kenrokuen, château et le Musée du 21e siècle dessiné par SANAA, toujours sympa à voir même si les expos me laissent quelques fois plus perplexes. Cette fois-ci comme pour ma première visite il y a avait des choses intéressantes et bien trouvées. Puis direction Higashi Chayamachi, toujours joli à la fin de la journée et pause autour d’un bol de thé matcha recouvert de feuilles d’or, une des grandes spécialités de la ville. Ici, ils en mettent partout, sur les pâtisseries, dans le thé ou même sur le poisson cru.

Le soir on a dîné et les clients sont allés se coucher. Moi j’ai continué la balade en solo, à la recherche des zones que l’on ne montre jamais de Kanazawa, ville a l’image très lisse. L’expérience m’a prouvé que souvent plus c’est lisse, plus c’est louche. Comme partout, les coins plus populaires et « chauds » existent. Moi je ne m’en plains pas, j’adore ce Japon-là ! Mais si je reporte la taille de la ville à ses zones chaudes, la proportion n’est pas négligeable. En fait je suis parfois étonné par la vivacité des quartiers chauds des villes moyennement grandes.

— Angelo Di Genova (@horizonsdujapon) 4 Novembre 2015

Péninsule du Noto

Cette péninsule est difficile d’accès et possède assez peu d’habitants. C’est en général le cocktail nécessaire pour voir des paysages préservés. Ici, on va taquiner la mer, de près, très très près. Quel plaisir de rouler sur cette plage, ouvrir la fenêtre, entendre les vagues et sentir l’air marin tout en roulant !

Une petite pause dans une gargote pour manger des coquillages au barbecue et nous voilà repartis vers les rizières, les plages et le bleu immense, celui qui se confond entre ciel et mer. Une nuit dans un superbe ryokan pour les clients et le séjour qui approche à sa fin.

Osaka

Un finish en beauté dans ma ville adorée. Découverte des classiques comme des ruelles plus charmantes. Un Japon différent de celui vu depuis le début du voyage. C’est là, la vraie raison de visiter à Osaka ! C’est un oasis planté au milieu du pays. Après tant de journées, je suis content de revenir chez moi, dans mon terrain de jeu. Je croise les gens des quartiers populaires et observe leur regard. Pas de doutes, me revoilà dans la cité de Naniwa !

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Une visite nostalgique dans le Japon de 2006

Par Posted on 15 min lecture

Je traverse le fameux carrefour piéton de Shibuya. J’aperçois en face le Qfront ainsi qu’une affiche publicitaire pour la sortie prochaine de Final Fantasy XII. Je me dirige vers le magasin de musique HMV, passe devant Sakuraya. Je suis le seul Occidental à la ronde. Keep Trying, le nouveau tube de Utaka Hikaru passe dans HMV. Il y a un espace qui présente le tout dernier iPod Nano 1GB d’Apple et le groupe Monkey Magic est mis en avant avec Around the World, la chanson du drama Saiyuki, une adaptation de la légende de Son Goku, avec Shingo Katori de SMAP qui est diffusé actuellement sur FujiTv.

nostalgie

Je sors de HMV puis je lève les yeux vers le ciel. Les nuages flottent et dansent comme des réminiscences enfouies au plus profond de mon être. Je voyage actuellement à travers ma nostalgie. J’arpente les souvenirs de mon premier voyage dans le pays de mes rêves d’enfant. Je recherche les sensations qui cueillent des émotions vieilles de 10 ans. Face à cette décennie passée, je me souhaite un joyeux anniversaire de Japon !

Aujourd’hui, le 26 janvier 2016, cela fait donc 10 ans, jour pour jour, que j’ai mis les pieds au Japon pour la première fois de ma vie. J’avais 21 ans et cette expérience résonnera en moi sans jamais faiblir comme une onde vibrant sans fin.

À l’époque Koizumi était encore le Premier ministre du Japon. Le taux de change était de 1€ pour 136¥ environ. À Ginza, il y avait encore l’ancien théâtre Kabukiza et la gare de Tokyo était moins reluisante que maintenant. Matthew Best Hit Tv, l’émission de taré que l’on aperçoit dans Lost in Translation existait toujours. SoftBank n’avait pas encore remplacé Vodafone pour s’implanter sur le marché des opérateurs téléphoniques. Akihabara était plus sympa, avec encore beaucoup de vieilles boutiques et peu de Duty Free Shop. J’y avais acheté un dictionnaire électronique Ex-Word en négociant le prix dans une petite échoppe. Dictionnaire aujourd’hui remplacé par des applications sur mon smartphone. Shinjuku n’avait pas encore sa Cocoon Tower et personne n’avait jamais entendu parler de la SkyTree. La grosse catastrophe qui restait dans l’esprit des gens était celle du tremblement de terre de Kobe 11 ans plus tôt. Personne n’imaginait celle qui surviendrait en 2011.

Je me souviens encore de la première fois où j’ai posé le regard sur le Japon. C’était dans l’avion depuis le hublot. J’y voyais pour la première fois ses terres, montagnes et champs, petites maisons éparpillées sur des terrains parsemés de serres. Je voyais la campagne.

J’atterrissais, foulait le sol. Ça y est, j’y étais ! Mon rêve de gosse devenait réalité. J’allais enfin entrer dans le feu de l’action et ne plus dépendre du filtre médiatique dont je me nourrissais faute de mieux : reportages, films, livres, émissions de télé téléchargées sur Kazaa ou Emule.

Le Japon était jusqu’à présent une entité fantasmagorique, lointaine et inaccessible, que le bout de mes doigts ne parvenait jamais à effleurer. À même pas 7 ans, je foulais déjà les tatami avec mon club d’Aïkido, mais aujourd’hui, c’est le territoire entier que j’allais enfin caresser. Une fois sur place, dès les premiers pas dans la ville, je sentais que j’avais la motivation d’un monstre ! J’aurais pu prendre la lune et la poser aux pieds de n’importe qui ! Si Tokyo était une montagne, je l’aurais gravi trois fois par jour. Je sentais une énergie qui inondait mon corps. Elle me rendait plus droit et fort. Le bonheur d’être là, la curiosité concernant tout ce qui m’entourait, mêlé à l’impression de vivre un rêve éveillé avait quelque chose d’euphorique.

Tokyo-Tower-2006

Je dormais chez W, qui vivait à Kugayama, un quartier résidentiel près du parc d’Inokashira, un coin que j’affectionne tout particulièrement à Tokyo. J’y ai plein de souvenirs et c’est un endroit très agréable de la capitale avec Kichijoji comme point de repère.

Le soir même de mon arrivée, on a acheté des sushis à emporter puisqu’il y a une boutique en sortant de la gare. Au supermarché, j’ai pris une Nodogoshi Nama de Kirin et découvrais le principe des Happoshu.

Je rentrais enfin dans une habitation japonaise. C’était très différent de la France. La salle de bain était une sale d’eau entièrement en plastique. Les toilettes étaient des washlets et sur le plafond de ces pièces il y avait des extracteurs d’air. On séchait le linge sur le balcon, qui était sa seule et unique fonction. La gazinière était un appareil simplement posé sur un étal prévu à cet effet et relié par un câble à l’arrivée de gaz. Le sol semblait être en bois mais avait le touché du plastique. Le lit était à l’occidentale. L’appartement étant petit et relativement récent, il n’y avait pas de pièce en tatami. La télé était plate et HD, une Sharp, leader du marché à l’époque. C’était une première pour moi d’avoir de la HD dans une maison. Jusqu’à présent je ne la voyais qu’à la Fnac. À la télé, entre émissions de bouffe retransmission des JO de Turin, il y avait des pubs pour des bières, pour les Pocky, pour la carte Suica ou encore des boîtes comme Aiful, dont les jingles résonnent toujours en moi.

Le réseau internet était super rapide ! Les bons vieux téléphones à clapets japonais étaient en permanence connectés à internet. La qualité de leur écran, souvent pivotant, me laissait sans voix. Leur son était vraiment bon aussi. Les sonneries totalement personnalisables. W avait Sakura Drops de Utaka Hikaru en sonnerie et le bruit d’un glaçon qui tombe dans un verre quand elle recevait des messages.

http://gigazine.net

Sur ces téléphones il était possible de regarder la télé et de faire pratiquement tout ce que l’on fait actuellement avec des smartphones, l’écran tactile en moins. Je me souviens du choc quand j’écrivais un mail depuis mon ordinateur sur le mail d’un ami, qui me répondait depuis son portable, partageant photo et musique avec facilité. C’était dingue pour l’époque ! En France on en restait aux SMS et MMS limités. Ces téléphones à clapets faisaient un bruit typique en s’ouvrant. On avait rien de tel en France. Ne serait-ce que ce claquement est nostalgique pour moi, comme le croisement des corbeaux, omniprésent à Tokyo. Je les entendais de l’intérieur de l’appartement. Ils donnaient la mesure du temps qui passe. Les sirènes des ambulances, très fortes, ponctuaient la journée, quand ce n’était pas le vendeur de Yaki imo qui passait par là.

J’adorais marcher jusqu’à Kichijoji à travers ce Japon du quotidien, tout ce qu’il y a de plus banal, mais cette jungle de banalité était pour moi d’un exotisme luxuriant. Dans la lumière blanche du rayonnant hiver tokyoïte, je marchais à travers ces petites ruelles paisibles bordées de pots de fleurs devant de coquettes maisons. Je voyais le linge flotter dans le vent sur les balcons et les futons accrochés avec des pinces bleues pour qu’ils ne tombent pas des rambardes. Les poteaux électriques reliaient toutes ces maisons comme le réseau continu d’une fourmilière de plusieurs millions d’habitants dans laquelle j’étais perdu, le sourire aux lèvres néanmoins. Parfois un écolier en randoseru marchait là, étonné de ma présence dans son voisinage. On échangeait des regards, intrigués l’un et l’autre.

Quelques échoppes çà et là. Vendeurs de fruits et légumes, un drugstore et une boucherie qui fait frire des korokke pour les passants. Je continuais ma route en croquant un senbei trempé dans de la sauce soja. Une douceur salée qui rend difficile de dire si c’est un gâteau, une sucrerie ou un grignotage salé.

Tout ceci tranchait avec le dynamisme des quartiers animés. Les Konbini, les ponts en métal parasismiques, les passages piétons et leurs bips-bips quand le feu passe au vert, les devantures colorées des magasins et restaurants et leurs rabatteurs qui crient dans la rue pour alpaguer le passant, les petits Koban, le style vestimentaire des gens, des jeunes et moins jeunes parfois bien excentriques ou encore des salaryman, quelques fois mal vêtus aussi bien que mal réveillés, qui attendaient sagement en file sur les quais de métro.

La ville devenait magnifique la nuit venue. Les couleurs et lumières me donnaient une énergie indescriptible.  J’adorais monter dans les gratte-ciels pour observer Tokyo de nuit. C’était une mer de lumière fantastique ! Je n’étais jamais monté dans un gratte-ciel avant ce voyage. Pour moi c’était incroyable ! Toutes ces lumières comme autant d’âme sous mes yeux. Des millions de personnes, de destins qui se croisent ici même alors que je les observe d’en haut.

Tokyo-nuit-2006

Le plus agréable était le respect de l’autre, presque palpable, bien que parfois artificiel. Quel bonheur c’était d’être-là, sans peur d’être volé, agressé ou emmerdé par qui que ce soit ! Les bousculades étaient quasi-inexistantes, le calme dans le train (sauf après 22h) particulièrement reposant et une certaine harmonie se dégageait de la vie en public. Les vendeurs ne donnaient jamais l’impression qu’on les dérangeaient comme c’est si souvent le cas en France. Ils vous donnaient sacs, produits et argent poliment, dans la main, en vous remerciant. Quel plaisir d’être chouchouté ainsi !

Avec les trains de la compagnie Keio je rejoignais Shibuya en 15 minutes depuis l’appartement. Ce quartier deviendrait rapidement mon point de repère. Je l’ai exploré en long, en large et en travers, tel un voyageur passif observant une éternelle pièce de théâtre.

Shibuya-2006

En janvier 2006 je n’ai vraiment pas croisé beaucoup de touristes ici. J’avais l’impression d’être souvent le seul blanc dans tout Shibuya. Ce qui était probablement faux mais je pouvais me poser la question.

Aujourd’hui, le Japon est devenu une destination touristique à la mode. Mais en 2006 le boum des sushis n’avait pas encore eu lieu. La plupart des Français trouvaient dégoûtant de manger du poisson cru et avant que je parte au Japon quelques imbéciles m’avaient dit : « Alors tu vas manger des nems tous les jours ? »

J’aimais prendre la ligne Yamanote avec ses écrans dans le wagon et observer Tokyo. Les mélodies sur les quais me berçaient, les fauteuils chauffant des trains m’endormaient parfois. À travers les fenêtres, les cubes de verres et de bétons s’enchaînaient dans ce dédale urbain si caractéristique du Japon. Les ruelles en contrebas, les autoroutes suspendues, les buildings au loin, les petits restaurants de quelques places seulement qui s’imbriquent sous les rails, les extracteurs de clim un peu partout et les publicités omniprésentes formait un ensemble si dépaysant. Je regardais là, tombait nez à nez sur une affiche avec Takeshi Kitano. J’aurais aimé voir ça en France.

Au départ je ne décodais pas les divers magasins. Les marques m’étaient inconnues. Je devais m’approcher pour bien comprendre ce que vendait tel ou tel enseigne. Puis, avec le temps, je me suis familiarisé avec les Family Mart, Yoshinoya, Matsumoto Kiyoshi, Tokyu Hands et autres 7eleven.

J’ai vécu beaucoup d’expériences sur place. J’ai fait de belles rencontres et même des amis pour faire du futsal, des parties de foot à cinq. On a même pu jouer sur le toit de Shibuya. Un terrain aperçut dans Fast and Furious Tokyo Drift, le seul film que j’ai vu de cette série.

Je mangeais mon premier Ramen chez Kamukura.  Mon premier Yakiniku chez Fufutei à Shimokitazawa. Je vivais également mes premières véritables expériences concrètes de photographie avec le vieux Pentax compact de W (finalement je n’ai pas pris beaucoup de photos. Je préférais profiter un max de chaque instant). Comme beaucoup, mon premier mariage Shintô était au sanctuaire Meiji-jingu. Mes premiers Omikuji au temple Sensoji d’Asakusa, mes premiers SDF à Ueno …

SDF-Ueno-2006

À chaque minute, chaque instant, je me sentais privilégié d’être au Japon. J’avais l’impression d’avoir pénétré un flux et de me baigner dedans. Un flux nommé Japon. Ce pays je ne le visitais pas seulement, je m’y baignais, car j’avais beaucoup de temps, deux mois et demi au total pour ce premier contact. Toutes mes économies, tout l’argent que j’avais mis de côté avec des petits boulots.

Alors que je ne dormais pas loin, je ne suis jamais allé au musée Ghibli. Je n’ai d’ailleurs pas fait de cérémonie du thé ou assisté à un tournoi de sumo. Les geishas m’indifféraient presque. Ce que je voulais c’était une immersion dans la société japonaise. Je voulais m’améliorer en japonais, découvrir le simple quotidien des autochtones et prendre mon temps, oublier que je dois rentrer un jour, vivre le moment présent sur place au gré de mes découvertes et curiosités.

Je prenais parfois la carte de membre de Tsutaya de W et louait plein de CD, de Rio de Emocion, le dernier album de Dragon Ash, aux Yoshida Brothers, en passant par Begin, le groupe le plus connu d’Okinawa. Je comprenais après coup que la musique deviendrait un élément important de chaque voyage au Japon. Via elle, je me transporte instantanément dans le passé.

À Tsutaya, il était possible d’écouter tous les CD en location. Je passais des heures donc à chercher des musiques sympas. Je tombais sur des surprises comme Ulfuls, un groupe de rock bien barré qui venait de sortir Samurai Soul le jour de mon décollage vers le Japon. Je découvrais UA, une chanteuse qui a fait quelques morceaux sympas qui ne puent pas la J-POP commerciale, ou encore Ego Wrappin’, un groupe de jazz alternatif que j’aime beaucoup. Petit détail, je découvrirai après coup que ces artistes viennent d’Osaka.

Je suis revenu à Kugayama en octobre 2015. J’ai l’impression d’avoir plus changé que le quarter. Je viens en tant que père de famille à présent et je n’ai plus du tout la force de décrocher la lune. La banalité exotique du Japon est devenue depuis ma propre banalité. En tout cas, c’était émouvant de revenir ici. Certains magasins ont tout de même changé, mais le supermarché où j’allais est toujours là.

Kugayama-2006-2015

Il y a 10 ans, fraîchement arrivé au Japon dans ce quartier quelconque de Kugayama, je trouve quand même dingue que je me sois trouvé devant un magasin dont le nom n’est autre que « Angelo » (アンジェロ). Le hasard est parfois surprenant !

coiffeur-Angelo

Je suis passé devant cette boutique de Taiyaki à emporter. J’ai aperçu la même petite vieille qu’il y a 10 ans. Je m’approche et lui dit : « Bonjour, il y a 10 ans, la première fois de ma vie que j’ai mangé un Taiyaki, c’était chez vous ». Elle m’a répondu en m’en offrant un. On a discuté pendant 10 minutes au moins.

Taiyaki

Avec le recul je me rends compte que W m’a montré un Japon qui va au-delà de la carte postale. J’ai pu explorer de nombreuses facettes du Japon. Elle pouvait avoir des avis très critiques sur son pays. Elle m’a montré les choses comme elles sont. J’idéalisais un peu le Japon et l’imaginais toujours impeccable, classe et sobre, presque froid même. J’ai découvert grâce à elle l’envers du décor, le Japon bordélique, kitsch, mais attachant et chaleureux.

Je venais à peine d’arriver sur place qu’on est allé manger à l’Iseya du parc d’Inokashira. C’est un restaurant de Yakitori vraiment pas cher. 80¥ la brochette de poulet de base à l’époque. C’est là-bas que j’ai découvert à quel point poulet grillé et bière pouvaient faire bon ménage. Mais c’était aussi le restaurant le plus sale, le plus crasseux que je n’avais jamais vu de ma vie. Le bâtiment ne demandait qu’à s’écrouler, les serveurs étaient pleins de tâches et te déposaient la bière comme des rustres sur des tables de fortunes, dans un brouhaha étourdissant. La fumée s’infiltrait dans tout le restaurant. Le cuisinier responsable des brochettes avait la clope au bec en permanence. Les toilettes étaient les mêmes pour hommes et femmes. Les filles passaient devant les urinoirs. Mais j’adorais ce restaurant car il m’a mis une claque ! Je ne m’y attendais pas. Il m’a bousculé, surpris et c’est ce que j’attends d’un voyage. J’y ai fait des rencontres mémorables. Ces expériences marqueront à jamais ma vision du Japon. L’Iseya est aujourd’hui rénové. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, il est propre, aseptisé et je préfère nettement celui enfoui dans mes nuages de nostalgie.

Iseya-2015

Durant mon séjour je prenais un calepin et écrivais plein d’annotations sur le Japon. Quelques exemples :
le Japon est un désordre organisé. Il y a quelque chose de chaotique ici, mêlé à la discipline. C’est bizarre mais très agréable.
– les camions font des bruits et parlent quand ils tournent. C’est un enregistrement qui s’active quand le chauffeur active les clignotants.
– Shibuya, gare où ça sent bon les gâteaux. Il y a un pâtissier au sein de la gare dont la bonne odeur sucrée se propage dans les couloirs. J’avais jamais imaginé qu’une gare ferroviaire puisse sentir bon.
– Les toilettes sont spéciales. Où on a le top du top, cuvettes chauffantes, jet d’eau, etc, ou on a des toilettes à la turque.
– à chaque fois qu’on entre dans un restaurant on nous sert un verre d’eau ou de thé gratuit.
– ici, pour ouvrir une porte, il faut tourner les clés dans la serrure dans le sens contraire qu’en France. Combien de fois ai-je fermé une porte déjà fermée.
– Mitsubishi a eu une super idée avec ses Jet Towers
(copiés depuis par Dyson)
– tout semble mieux pensé, plus pratique et efficace au Japon.
– avant la fermeture des magasins, on entend la chanson « ce n’est qu’un au revoir », pour inviter les clients à passer à la caisse ou s’en aller.
– beaucoup de personnes âgées travaillent encore. La première fois ça fait bizarre.
– il y a des gens payés pour tenir des panneaux publicitaires dans la rue. D’autres distribuent gratuitement des mouchoirs avec une publicité. C’est pratique, pas besoin d’en acheter même s’ils sont vraiment de mauvaise qualité.
– les distributeurs de billets ont un petit miroir qui permet voir à 180 degrés derrière soi. C’est pratique pour s’assurer que personne de suspect ne vient derrière vous. Mais est-ce nécessaire ici ?
– TOTO semble dominer le marché des toilettes. J’ai un faible pour les urinoirs CeFion tech. Ce fion ?!!
– les voitures ont des boîtes automatiques mais les bus sont en boîte manuelle. C’est tout le contraire de chez nous.
– Les Japonais habillent souvent leurs chiens. C’est un peu ridicule.

Pendant ces deux mois et demi, je ne suis pas resté simplement à Tokyo. J’en ai profité pour visiter Yokohama, une ville très sympa à seulement 30 minutes de la capitale. J’ai vu Kamakura et ses richesses historiques. Kyoto, dont la beauté des temples surclassait de loin tout ce que j’avais vu à Tokyo. J’ai visité Nara, fait un saut rapide à Osaka (honte à moi), poussé jusqu’à Hiroshima et la jolie Miyajima ainsi que Fukuoka, ses Yatai et son Meitako au petit déjeuner ou encore les pruniers de Dazaifu. J’ai tout de suite eu un bon feeling avec Fukuoka car la vie m’y semblait agréable et surtout j’avais des amis vraiment sympas qui m’ont accueilli.

On a fait Kanazawa également, ville d’origine de W. J’ai du respect pour Kanazawa et son raffinement. Et pour finir, je suis allé voir le Mont Fuji à Kawaguchiko. J’imaginais le volcan sacré entouré de belles campagnes et de nature. J’y ai découvert la campagne de base japonaise, celle qui est moche et sans charme. J’étais déçu. Kawaguchiko est agréable mais laide. Il existe de jolis coins autour du Fuji, mais je n’avais pas pu en profiter la première fois. En plus, le temps était mauvais, mais quelques minutes d’éclaircies bienheureuses m’auront tout de même permis de faire une photo potable du volcan.

Mont Fuji-2006

En revenant à Tokyo pour les dernières semaines j’avais comme l’impression de revenir un peu à la maison. J’avais déjà mes habitudes dans la capitale et m’étais familiarisé avec elle.

La météo s’adoucissait à mesure que le temps restant sur place se réduisait pour moi. Les bourgeons des cerisiers allaient s’ouvrir bientôt. Enfin je verrai ces fameux Sakura, qui symbolisent en quelque sorte le renouveau, le début d’un nouveau cycle. À l’heure de faire le bilan, j’avais l’impression de vivre moi-même une renaissance avec ce voyage. Je vis les fleurs de cerisier éclore comme un Angelo tout frais prêt à vivre une nouvelle vie où le Japon serait encore plus présent. Mais contrairement aux pétales de cerisiers, dont la vigueur n’est qu’éphémère, les souvenirs de cette expérience inoubliable, eux, ne faneront jamais.

sakura-fâné

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Découvrez les David Michaud Safari

Par Posted on 2 min lecture

L’automne est là, le froid s’installe peu à peu. On passe plus de temps au chaud, au calme, emmitouflé dans des habits bien épais. On prend plus le temps de réfléchir. On regarde autour de sa vie. Le temps des hommages est arrivé. J’aimerais vous parler aujourd’hui des Tokyo Safari de mon ami et collègue, David Michaud.

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Cela fait bientôt 4 ans que nous travaillons ensemble, et les expériences vécues dans cette aventure commune sont tellement enrichissantes et motivantes que je ne sais plus par où commencer cet article.
Il y a un mois je suis retourné à Tokyo pour le boulot. La capitale du Japon était le point de départ d’une nouvelle mission en voiture avec des voyageurs que je connaissais déjà. L’occasion était trop belle et j’ai donc fait en sorte que David nous balade dans son Tokyo pendant une journée.

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Ce n’est pas la première fois que je vois David en action, mais c’est toujours un plaisir ! Il entre dans Tokyo comme un artiste sur scène. Une chose est sûre, il est à fond ! Son énergie est contagieuse et inspirante. Mais David, pour moi, c’est avant tout un mec simple, nature, vivant et entraînant, qui connaît Tokyo comme sa poche. Cette ville, que je pensais connaître, m’apparaît toujours sous un nouveau jour avec lui.

Tokyo-Safari-01

Parfois copié, jamais égalé, il fait passer une journée en un éclair, faisant s’enchaîner les divers quartiers comme un jongleur avec ses balles : c’est fluide, ça a l’air facile et la tentaculaire Tokyo revêt d’un seul coup un charme plus humain.

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Une des forces des safaris photo est aussi de savoir quand passer à tel ou tel endroit au bon moment. Et je pense savoir que sur ce point David maîtrise vraiment son sujet. Une procession de moine ? Pas de souci, on sera sûr d’être au bon moment au bon endroit. C’est du propre !

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Quelques fois je me dis que la question n’est pas de savoir si David va vous emmener dans des coins méconnus (ce qu’il va faire dans tous les cas :), mais plus est-ce que vous désirez le rencontrer et partager son Japon ? Ce n’est donc plus forcément un Tokyo Safari mais un David Michaud Safari ^^ C’est un regard, une approche personnelle avec le Japon pour terrain de jeu.

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Toute l’équipe qui gravite autour de lui est nourrie par l’énergie qu’il nous transmet. Merci d’avoir rendu nos vies actuelles possibles. Merci l’ami !

Retrouvez son blog, un des précurseurs sur le Japon : http://lejapon.fr

Retrouvez ses balades à Tokyohttp://www.tokyosafari.com

Et surtout n’oubliez qu’il propose du lourd sur Yokohama, une ville très agréable et pourtant encore méconnue, à 30 minutes de Tokyo : http://www.yokohamasafari.com

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Ce Japon secret exploré toutes ces années

Si aujourd’hui je suis spécialisé sur Osaka et ses secrets, il fut un temps où je me devais d’explorer le Japon pour y trouver des perles rares et méconnues. Le projet professionnel touristique Japan Trotter, que j’avais mis en place avec des collègues, m’obligeait à prospecter sur place régulièrement. Notre équipe avait des idées originales, des projets rarement vus pour les touristes au Japon. La catastrophe de Fukushima aura eu raison de notre travail lancé plusieurs années avant.

À l’époque, j’avais une vision très globale du Japon sans aucun pied-à-terre réel. Aujourd’hui, la situation a changé et je me suis spécialisé plutôt dans une ville et sa région voisine.

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Il y a des endroits qui ont été présentés dans ce blog, mais la plupart sont restés bien gardés, volontairement ou non.
Aujourd’hui je montre quelques photos, prises depuis presque 10 ans maintenant pour les plus vieilles. Les tendances ont un peu changé entre-temps. Certains coins peu fréquentés sont devenus bien plus connus, même si les grosses stars restent loin devant. Faut dire aussi qu’il y a beaucoup plus de touristes aujourd’hui qu’à l’époque un peu partout. L’équipe Japan Trotter avait flairé cette tendance avant qu’elle arrive. On était dans le bon tempo, motivés, mais une vague inattendue nous a balayé.

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Ce blog n’a jamais eu pour vocation d’officier comme guide touristique. Il a pour but plutôt de vous sensibiliser et de vous inviter à faire les choses par vous-même ou encore à les voir différemment. Je n’ai pas envie que vous finissiez tous par avoir les mêmes avis sur les divers aspects et lieux de ce pays que j’aime tant. Allez chercher par vous-même sur place, laissez-vous porter par votre feeling, ne prenez pas pour du pain bénit tout ce qu’il se dit sur le Japon.

Que risquez-vous en explorant l’archipel en profondeur ? Rien ! Partout des bus, des trains. Partout des gens serviables qui se plieront en quatre pour vous aider.

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Alors, levez les voiles, prenez le vent, changez d’air et grimpez sur les nuages flottant vers des contrées où l’on ne vous attend pas.

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Rejoindre à chaque fois une nouvelle île, c’était pour moi comme aller explorer un nouveau monde. Je me souviendrai toujours de mes premiers pas sur Hokkaido ou encore Shikoku. On reste dans le pays, mais on change de territoire. On coupe encore plus clairement avec les terres visitées précédemment. Comme un nouveau départ ; le terreau de toutes âmes voyageuses.

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Partir en bateau sur des îles reculées. Voir les enfants du village vous saluer comme si l’on se connaissait depuis longtemps. J’ai l’impression de m’en aller pour toujours d’ici et j’en suis triste, alors que ça ne fait que quelques heures que je suis arrivé dans ce port.

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Au début j’étais encore un novice du Japon. Je m’émerveillais de chaque chose. Trois Japonaises en kimono dans le tram de Kumamoto et me voilà comme l’envie de l’immortaliser, discrètement et maladroitement comme on la un peu tous fait. La photo du touriste fraîchement arrivé. Nulle, ratée, volée, mais qu’on n’arrive pas à effacer quand vient le moment de trier. Le cliché représente un état par lequel je suis passé et qui ne m’habite plus. Il témoigne de mon évolution.

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Un pont rouge légèrement en arche dans une petite ville et j’étais content. Je vivais mon rêve du Japon en toute innocence.

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Combien de fois ai-je délaissé mes Asics pour aller tremper mes pieds dans l’eau ? Le premier contact avec l’océan pacifique, la mer du Japon, la mer intérieure ou la mer de Chine orientale ont été des souvenirs mémorables.

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Une gare isolée, un loueur de vélo et me voilà parti au loin, suivant mon flair.

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Des heures et des heures en train, traversant plaines et montagnes pour atteindre des villes qui paraissent proches sur une carte. C’était sans compter les chemins sinueux de ce pays qui semble se tortiller à la surface de l’océan. Parfois des zones industrielles d’une laideur indescriptible, parfois des gares charmantes, parfois des rizières en terrasse. J’ai fouiné à la recherche des divers horizons du Japon, d’où le titre de ce blog.

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Je me souviens que sur les chemins du nord les trains manquaient parfois de chauffage. 3 heures dans le froid ça forme, surtout quand on visite Hokkaido enneigée avec une simple veste et des baskets.

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À l’extrême nord du Japon, les villes ressemblent à celles visitées parfois en Islande. Le froid conditionne la vie sur place et on a parfois l’impression de passer dans des villes fantômes. Il y a cette lumière et ces couleurs si particulières du nord. Un charme triste, mais qui ne devient attachant qu’en y donnant du sien.

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Mais rien n’aurait pu entraver mon bonheur d’être là. Tout était découvertes et optimisme. Je vivais la plus grande formation de ma jeunesse. Je construisais mon être futur et ma vision du monde, chose dont je prends conscience qu’à présent.

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Je ressens une forte nostalgie quand je pense à l’innocence que j’avais vis-à-vis du Japon. Il était mon échappatoire, mon idéal, mon jardin secret par rapport à ma vie en France.

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Combien de villages, de champs et d’agriculteurs ? Combien de couchers de soleil ? Combien de pluie ruisselant sur mon corps et de rayons de soleil brûlant ma peau ? Combien de sel porté par le vent sur les plages ? Combien de saveurs nouvelles dégustées quotidiennement ? Combien de petits vieux étonnés de ma présence sur la terre où ils ont grandi ? Combien d’araignées tissant leurs toiles sur mon chemin ? Combien de moustiques assoiffés de sang dans les forêts ? Combien d’odeur de fioul brûlé pour chauffer les auberges ? Combien de tickets de train poinçonnés par un contrôleur en casquette ? Combien de nuits sur des tatamis jaunis par le temps ? Combien de futons rangés et de poissons grillés au petit déjeuner ? Combien de chocs face à ces appareils d’un autre âge continuant de fonctionner dans ce soi-disant pays du futur ?

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J’en profite pour rendre hommage à ce pays magnifique qui m’a tant donné. Je remercie toutes ces personnes croisées pendant mes découvertes et à toutes les attentions qu’ils m’ont données. Je ne compte plus les cadeaux, les services et les sourires qui m’ont rempli de joie. Certaines de ces personnes étaient tellement vieilles que je me demande si elles sont encore vivantes aujourd’hui. En tout cas, elles continuent de vivre dans mon coeur.

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83 photos vous attendent ci-dessous. Elle sont parfois vieilles. Certaines datent de 2006 et ont été prises à une époque où je ne connaissais pas grand-chose à la photo.

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Des bougies pour les âmes – Manto Kuyo

Par Posted on 2 min lecture

Dans de nombreuses cultures, le feu évoque les âmes des défunts. Ce même feu qui a tué tant de personnes ici au Japon. Guerres et catastrophes naturelles viennent compléter de réguliers incendies domestiques qui ont lieu encore aujourd’hui. La maison de bois est un combustible de choix, surtout lorsqu’elle est collée à des semblables.
Aujourd’hui ce sont les bougies qui flambent. Ces dernières, marquées des noms des défunts, se consument tandis que les passants inhalent ces effluves de cires brûlées mélangées à la moiteur de cette soirée d’août.

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En ce moment, c’est Obon, la fête des ancêtres. Un hommage, une pensée, un retour vers le passé, un regard vers l’au-delà et ses âmes dissipées, loin de la réalité de ce monde.

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Il est toujours étonnant de voir comment l’homme imagine l’âme sous la forme d’une flamme. Il semblerait qu’on soit tous aisément captés par cet éclat qui réchauffe le coeur, comme une lueur d’espoir dans ce bas monde parfois froid et pénible. En passant près des bougies, je sens la chaleur inonder mes joues. Pendant la fête des Morts, je rougis d’abondance de vie.

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Au temple Shitennoji d’Osaka, on commémore chaque année Obon avec des bougies et les prières des moines qui circulent dans l’enceinte de ce lieu historique.

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Comme une parenthèse dans sa vie, on vient prier pour se commémorer. Le temps se fige même si au loin la vie contemporaine continue de grimper vers le ciel.

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Otoke-sama est éclairé ce soir, éclatant comme les flammes des bougies. Il est rare de le voir ainsi dans ce temple. Familles, couples, tous les âges viennent ici perpétuer la tradition, la culture de leur pays dans un respect simple et léger, déchargés de dogmes pesants et obscurs qu’imposent parfois nos religions monothéistes.

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Tout ce qui brûle ne se consume pas forcément. Tout ce qui chauffe ne s’enflamme pas forcément. Tout ce qui est invisible n’est pas transparent forcément. Tout ce qui ne s’explique pas n’est pas irrationnel forcément.

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La Tentation de Kyoto de Jean Sarzana

Par Posted on 3 min lecture

La tentation de Kyoto est un livre écrit par Jean Sarzana. Avant d’être un auteur, Jean Sarzana est pour moi « Monsieur Sarzana », un voyageur que j’ai accompagné à Kyoto en 2012. C’est donc ainsi que je vais l’appeler. Rarement j’ai eu autant de dialogues de fond sur mon pays d’adoption et sa culture qu’avec Monsieur Sarzana. Ces moments passés avec lui étaient particulièrement agréables. Il était curieux et moi j’aimais exposer ma vision des choses. Il rebondissait sur les sujets transformant la conversation en une escalade d’échanges réciproques, à en oublier presque le programme prévu de la journée. Avec des personnes qui élèvent autant la discussion, la balade passe à une vitesse folle !

En 2014, j’ai appris qu’il écrivait un livre. J’ai eu la chance et l’honneur d’aborder par mails divers points culturels avec lui. Puis il m’a fait cadeau d’un exemplaire dédicacé de son livre, une fois publié.

Ce qui est étonnant avec Monsieur Sarzana, c’est sa vision aiguisée des choses, sa sensibilité. Il a saisi d’innombrables points alors que son voyage au Japon était une nouvelle expérience pour lui. C’était en quelque sorte un novice, (bien que déjà venu une fois avant 2012) comme on l’a tous été lors de notre premier séjour dans ce pays. Et son livre garde humblement toujours cet angle confidentiel, comme un murmure laissant la place à un doute jamais esquivé tout au long des pages.

Pourtant, Monsieur Sarzana voit incroyablement juste ! Dans cet essai, il arrive à esquisser des contours particulièrement précis sur le Japon. Mené d’une main de maître, je lui envie la précision de son écriture, la justesse de ses mots, les formulations tantôt bienvenues, tantôt poétiques.

Sa justesse n’est pas uniquement possible par une analyse adroite, mais aussi par une exemplaire compréhension du monde, de l’être humain et des différences culturelles qui façonnent les peuples de la terre. Divergences de pensées, de valeurs entre les populations, il arrive toujours à se placer avec recul pour tenter de s’extirper autant que possible de son enveloppe d’Occidental latin.

Le Japon est un formidable terrain de jeu pour arriver à mettre en relief sa propre culture et sa propre éducation. Nous sommes tous des êtres influencés par nos parents et le cadre de notre vie passée et présente. Le monde est d’une extrême complexité. Difficile de porter un jugement de valeur objectif sur ce que font nos semblables ayant grandi dans un cadre à l’opposé du nôtre. Le Japon m’a permis, personnellement, d’élargir mon champ de vision, de m’apporter un peu de nuance. Mais Monsieur Sarzana est arrivé sur ces terres déjà fort de cette qualité. Et ça se sent.

Derrière un titre pas forcément révélateur du contenu de l’oeuvre se cache un ouvrage fin sur le Japon. Un livre inondé de réflexions qui rendent hommage à ce qui est important dans la vie. Un texte qui nous invite à tous d’essayer de voir au-delà et de trouver, en toutes choses, le bon équilibre entre le coeur et la raison. Je vous invite à lire « La tentation de Kyoto ».

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Osaka est-elle une ville si industrielle ?

Par Posted on 4 min lecture

On lit souvent qu’Osaka est une ville industrielle. Préciser qu’une ville japonaise est industrielle c’est un peu comme préciser qu’il y a une église dans un village de France. C’est une évidence. Oui, le Japon est un pays industriel, peut-être le plus industrialisé du monde si on le rapporte à sa surface habitable. Il suffit de prendre le Shinkansen pour s’en rendre compte. Même la touristique Kyoto possède des industries non négligeables. Ce qu’il faut comprendre par la phrase toute faite (et répétée bêtement par beaucoup) « Osaka est une ville industrielle » c’est que cette ville a joué un rôle fondateur et précurseur dans l’industrie nippone.

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Comme tout le monde le sait, le Japon faisait parti de l’axe pendant la seconde Guerre Mondiale. C’était un pays détesté par une grande partie de la population mondiale. Détruit en grande partie et appauvrit, il a fallu repartir à zéro et relancer la machine. Le Japon n’a pas vraiment de matières premières. Donc pas possible de jouer la carte de l’exportation de matières. Le tourisme ? Qui serait allé passer quelques semaines de vacances chez un récent ennemi ? Il reste quoi ? L’industrie.

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La politique paysagère et urbaine du Japon depuis 70 ans a été catastrophique d’un point de vue esthétique. Les rivières des villes, quand elles n’ont pas été asséchées et remblayées, deviennent souvent des zones d’ombre sous les autoroutes suspendues. Le gain de place et les aspects fonctionnels primaient sur le plaisir des yeux et le cadre de vie.

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Heureusement, il se passe quelque chose au Japon. Le pays retrouve des couleurs depuis quelques années bien qu’il soit difficile d’effacer plusieurs décennies de dégradations esthétiques du revers de la main.

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C’est absolument incroyable la concentration d’usines sur les littoraux japonais ! C’est là que se concentre la plus grande partie de la population ainsi que les plus grandes villes (hors Sapporo).

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Je me souviens de ma première prise de conscience qu’il ne servait presque à rien, touristiquement parlant, d’aller explorer les ports des villes japonaises. Hangars, conteneurs, camions, cheminées, rouille, tubes de métal, réservoirs, poussières, effluves chimiques et bateaux de transport.

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Je suis allé voir cet Osaka dont tant parlent mais que peu ont réellement vu. L’Osaka industriel, loin du centre de la ville.

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Il y a quelque chose de très instructif dans ces zones. Il permet de comprendre sur quoi se base l’économie de ce pays.

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Le Japon a réussi un exploit phénoménal ! Devenir une puissance mondiale, crainte et respectée en seulement quelques années après 1945. Revivre, travailler, manger est plus important que d’investir sur des aspects, de prime abord, plus futiles.

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Parfois on y trouve quand même quelques surprises avec ces torii shintô proche des usines. Mais c’est cohérent. Ces petits sanctuaires sont souvent construits par des entreprises commerciales sur leur site.

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Le mer que j’aime tant a prit un coup de massue mais mon coeur apprécie toujours de voir des bateaux.

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Par beau temps la balade n’est pas désagréable non plus.

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Il est important de remettre un peu les pendules à l’heure :

1/ La plus grosse région industrielle du Japon se trouve dans le Kanto avec les villes de Tokyo, Kawasaki et Yokohama.

2/ Les ports de conteneurs les plus importants du Japon sont (dans l’ordre d’importance) : Tokyo, Yokohama, Nagoya, Kobe et enfin Osaka.

3/ Kobe, qui ne soufre pas d’une image de ville industrielle possède pourtant un port à proximité de la ville les plus actifs du Japon, avec constructions de bateaux, conteneurs, raffineries et industries pétrochimiques. Osaka est plutôt réputée pour son industrie textile.

4/ À moins d’aller vers l’Aquarium, l’hypercentre d’Osaka n’est pas plus industriel qu’une autre ville japonaise. Au contraire, les zones d’intérêt touristiques sont parfois plus à l’abri visuel de ces activités peu gracieuses que certaines villes comme Kobe, Yokohama ou même parfois Tokyo. Mais est-ce pour autant que ces trois villes manquent d’intérêt ? Bien sûr que non !

Désormais, après avoir dit que vous irez visiter Osaka lors de votre séjour au Japon, et que votre interlocuteur vous répondra l’air étonné « Mais pourquoi visiter Osaka, c’est industriel ? », vous saurez quoi répondre.

À vous d’aller découvrir la ville sur place et d’en faire votre propre tableau.

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Sources :
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_world’s_busiest_container_ports
http://en.wikipedia.org/wiki/Economy_of_Japan

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