Buildings Retro, vestiges de la modernisation du Japon

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On lit parfois qu’Osaka a été entièrement rasée pendant la seconde guerre mondiale. Pour avoir traversé cette ville en profondeur, il est clair que c’est faux. Alors oui, comme tant de villes au Japon, Kyoto exceptée (merci Serge), Osaka à été extrêmement touchée par les bombardements américains ; pourtant ça ne fait pas d’elle une ville entièrement rasée.

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J’y ai vu d’innombrables maisons traditionnelles d’avant-guerre. Le problème c’est qu’elles sont souvent éparpillées ça et là, isolées entre deux immeubles sans charme, sauf dans certains quartiers bien particuliers où j’emmène parfois les voyageurs qui font un Osaka Safari avec moi. Mais quand on parle de bâtiments d’avant-guerre, il ne s’agit pas seulement de maisons de style traditionnel.

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Pendant l’ère Meiji (1868-1912), Taisho (1912-1926) et au début de l’ère Showa (1926-1989), le Japon a construit beaucoup de bâtiments d’inspiration occidentale. La brique venait remplacer le bois. La souplesse des poutres laissait place à la dureté de la pierre. On commençait à verticaliser, tout en y ajoutant des petites touches japonaises, plus ou moins codifiées.

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En tant que port important, Osaka a toujours eu beaucoup de rapport avec les pays étrangers. Au tout début de l’ère Meiji, la plupart des Occidentaux arrivaient par Nagasaki, sur l’île plus méridionale de Kyushu, puis ils remontaient jusqu’à Osaka et Kobe et finissaient souvent à Tokyo.

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À Osaka aussi il reste donc de nombreux bâtiments de ces années d’avant la seconde guerre mondiale. Ils regorgent de détails amusants pour nous autres. Ces immeubles passeraient presque inaperçus en Occident mais dans un contexte japonais, ils deviennent de véritables attractions.

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Et comme, ils sont disséminés un peu partout, il faut aller les chasser, comme on irait traquer une bête sauvage dans la jungle urbaine et chaotique des villes japonaises.

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Certaines églises sont encore debout d’ailleurs. Et voir ces silhouettes si familières ici est une sensation étrange. Comme l’impression de revenir un peu chez soi.

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La plupart de ces bâtiments sont classés au patrimoine départemental d’Osaka. Les propriétaires reçoivent des financements pour les entretenir. Ces constructions reprennent souvent les techniques occidentales, non étudiées pour résister aux séismes. À l’époque, on manquait de recul pour savoir si ça allait tenir réellement. Aujourd’hui, plus personne ne construirait des bâtiments ainsi. C’est pourquoi, beaucoup ont subi des travaux de renforcement de leur structure. Il ne reste plus qu’à espérer que ça tienne bon jusqu’à ce que la terre tremble fortement à nouveau.

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Ils font donc partie intégrante de l’histoire et de la culture japonaise à présent. Ils sont authentiques et spontanés, à l’inverse de bon nombre de réalisations actuelles, qui singent notre architecture pour mieux immerger le passant/client dans un établissement commercial dépaysant, un peu comme certains parcs d’attraction au style apprêté.

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Construit avec de lourdes pierres bien épaisses, on retrouve dans l’antre de ces immeubles, cette sensation de protection que l’on ressent parfois en Europe. C’est comme être dans cocon qui nous garde des maux de l’extérieur, de sa chaleur, de ses vents, de son bruit. Revenir dans une maison japonaise construite aujourd’hui est en réalité plus sûr en cas de séisme mais je ne peux m’empêcher de m’y sentir dans un corps de plastique, léger, creux et peu réconfortant.

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Pour finir je voudrais parler de l’ère Meiji. Certains emploient le terme péjoratif de copie au sujet de l’assimilation technique et culturelle du Japon, suite à son ouverture sur le monde. Ethnocentrisme quand tu nous tiens. La réalité est bien plus nuancée.
Il y a pourtant une différence non négligeable entre copie et assimilation. Dois-je rappeler que ce sont les Occidentaux qui ont demandé d’ouvrir les portes du pays, et que certains d’entres eux vivaient de leur enseignement sur le territoire nippon ? Ils venaient enseigner ce qu’ils savaient, et les Japonais avaient soif d’apprendre. Et le mouvement inverse existait aussi.
Quand on apprend une langue étrangère on assimile un savoir nouveau. Mais est-ce que ça fait pour autant de nous des copieurs ? L’homme est un inventeur mais aussi un reproducteur.

Le monde est fait d’assimilations et d’échanges. Le Japon, par son isolation a régulièrement assimilé des connaissances extérieures par vagues intenses. Mais d’autres pays ont vécus des situations d’assimilation. Rome a assimilé la culture de la Grèce antique pour former la sienne. Le monde arabe a intégré le savoir de l’Égypte antique et ce qu’on nomme les chiffres arabes sont originaires d’Inde en réalité. Et la France est vraiment mal placée pour parler de copie vis-à-vis d’un autre pays.  Elle a elle-même assimilé la culture romaine (de force il est vrai) et a bénéficié de la renaissance italienne pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui dans le domaine de l’art ou de la gastronomie. Même les fables de La Fontaine sont inspirées d’oeuvres de fabulistes gréco-romains. Mais doit-on parler de copie ?
Je crois que nous vivons à une époque où les évolutions majeures du monde s’effectuent par les échanges. On a tout intérêt d’arrêter de se regarder le nombril en pensant qu’il est plus rond que celui de son voisin.

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1 Comment
  • sarah
    9 août 2013

    Belle decouverte! 😉