L’air du temps … celui qui ne fait que passer

Par Posted on 4 min lecture

C’est une balade en mars 2012. Un an après la grande catastrophe du nord-est du Japon. Je marche seul, mais je suis accompagné de la ville d’Osaka et de mon vieux Pentax. Je me laisse porter par les ruelles japonaises et découvre une maison isolée, recouverte de taule. Un de ces taudis charmants que l’on voit souvent au Japon. On dirait que celle-ci ne demande qu’à s’écouler. La rouille sur la taule et le bordel autour lui donne un aspect tiers-monde vraiment marqué.

Taudis japonais

Je continue mon chemin et passe devant 3 maisons mitoyennes. On dirait une Nagaya, mais elle est un peu différente de celles que je croise régulièrement. Sa beauté m’interpelle et je reste planté là quelques instants jouant au jeu des devinettes. Qu’est-ce qu’il se cache à l’intérieur ? Depuis quand cette maison existe ? Qui vit ici ?

Nagaya de Lino Ventura

Le ciel gris ne me motive pas franchement à continuer à faire de la photo. Je décide de revenir le lendemain.

C’est sous un beau ciel bleu que la journée commence cette fois. Je piétine à nouveau les chemins d’hier, approfondissant les moindres recoins. C’est que j’ai des Osaka Safari en préparation moi !

Le soleil c’est une invitation à sortir quand on est dans les mois froids de l’année. Je vois plus de monde dans les rues ainsi que des oiseaux en pleine activité. En repassant devant la Nagaya, une vieille dame sort et, me voyant fixer sa maison, elle me dit :

– C’est joli n’est-ce pas ?
– Oui, très. J’aime beaucoup les vieilles maisons japonaises.
– Celle-ci date de l’avant-guerre. J’ai grandi ici. Mais plus personne ne vit là à part moi. Mes voisins ne sont plus là.

Vieille dame

J’ai toujours une admiration pour ces destins fidèles à un lieu. N’ayant plus de voisin, elle s’occupe des fleurs elle-même. Tout en portant ses plantes, elle continue :

– Comme il fait beau, j’en profite pour mieux exposer mes plantes. Elles ont besoin d’affection.
– Comme nous tous non ?
– C’est vrai. Vous venez d’où ?
– De France.
– Ah ! C’est un beau pays !
– Merci. Le Japon n’est pas mal non plus.
– Oui c’est bien le Japon, mais la France ce n’est pas n’importe quoi !

Elle enlève son bonnet et regarde le ciel bleu.

– J’aime bien Jean Gabin et Lino Ventura.
– Ha ha ! Vous connaissez bien ! Mais il faut savoir que Lino Ventura est Italien.
– Ha bon ? Bah désolé alors.
– Non, ça me fait plaisir car je suis à moitié italien de par ma maman.
– C’est vrai ? Bon alors, oui, j’aime bien Lino Ventura.
– À cette époque la France et l’Italie avaient vraiment beaucoup de connexions artistiques. Mais aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas. Plus le temps passe et plus la France perd sa latinité j’ai l’impression.

Je lui propose mon aide pour déplacer un gros pot de fleurs. Elle refuse disant qu’elle a l’habitude. Puis elle me dit :

– Tout change tout le temps de toute façon.
– Je comprends. Changer c’est une chose, mais disparaître c’est une autre. Quand je vois votre maison, j’aimerais qu’elle ne disparaisse jamais.
– Elle sera détruite un jour, comme toutes les autres.

Ce jour j’ai attendu le soleil se coucher et le voir baigner le reste du monde lumineux d’un dernier rayon.

dernier rayon

Je suis repassé plusieurs fois dans les parages au cours des années suivantes. Je n’ai jamais recroisé ma vieille dame, mais sa maison était toujours-là.

Un dernier passage il y a quelques jours et voilà ce que j’ai retrouvé.

bye bye

Un pincement au coeur et une légère colère m’envahit toujours quand ce genre de chose arrive. Ce n’est pas la première fois ni la dernière.

Comme lors de mon premier contact avec cette maison qui n’existe désormais que dans les souvenirs de gens qui s’en souviennent, je joue au jeu des devinettes. Qu’est-il arrivé aux habitants, à ma vieille dame ? N’y avait-il pas mieux à faire que de tout détruire ? Que vont-il construire de moche et d’impersonnel à la place ?

Je continue mon chemin. Et ma vieille baraque de taule aussi a disparue.

les restes

Ce sont comme des destins qui s’envolent. On rase tout pour tourner une page. Un lieu n’est qu’un espace physique qui flotte dans l’air. Nos souvenirs ne sont que de vagues sensations qui flottent dans nos coeurs et nos esprits.

Actuellement mes voisins détruisent leur maison. Il veulent en construire une plus grande au même endroit.

maison detruite

Ce n’est pas une pratique unique au Japon, mais cette capacité à détruire est tellement banalisée ici. Les seules maisons anciennes qu’il reste ne sont que des miraculées.

Parfois finalement, ce sont les maisons des classes populaires qui restent sur pied le plus longtemps. Pourquoi ? Car ils n’ont probablement pas l’argent nécessaire pour la détruire eux-mêmes afin d’en avoir une plus moderne, plus dans l’air du temps … celui qui ne fait que passer.

__________

N’hésitez pas à commenter et partager l’article. Ça fait toujours plaisir 🙂
Suivez-moi sur
 Twitter, Facebook et Instagram

 

Découvrez Hiroshima et Miyajima avec Yann

Par Posted on 3 min lecture

Il y a 10 ans, lors de mon premier voyage au Japon j’ai visité Hiroshima et Miyajima. J’y suis retourné en 2009, en 2012, et en 2016 pour des raisons à chaque fois différentes. Je pensais avoir fait l’essentiel, mais comme tous les touristes de passages j’étais passé à côté du coeur des choses.

Depuis que je travaille dans le projet Japon Safari, où l’on pousse la découverte du Japon à un degré unique, j’ai bien compris que tous les endroits méritent qu’on s’y attarde. Tout est intéressant quand on sait vraiment où regarder. Lorsqu’on croit avoir fait le tour d’un lieu, c’est qu’en général on a vu que les grandes lignes, celles qui éclipse les autres et nous aveuglent parfois.

Emmené cette fois-ci par l’ami Yann qui opère les Hiroshima/Miyajima Safari, je peux dire à présent avoir pu voir au-delà. Je fais mon maximum pour permettre aux voyageurs qui font les Osaka Safari de découvrir le coeur et l’essence de ma ville. C’est plaisant de se laisser transporter par un collègue sur son terrain de jeu un peu comme je l’avais fait avec David à Tokyo. Ça me donne l’impression de vivre un peu ce que je mes voyageurs peuvent vivre à mes côtés. C’est très agréable 🙂

On ressemble parfois à des magiciens, tant un lieu se colore avec nous. Yann, m’a fourni toute une palette de pigments pour colorer l’île de Miyajima et la ville d’Hiroshima. Sur l’île sacrée, on n’a pas croisé un touriste, alors que Miyajima est réputée pour être noire de visiteurs. Il y a Miyajima avec lui et sans lui. Sur Hiroshima on a vu des coins sympas, car la ville est agréable. On y mange très bien et Yann, le gourmand sait toujours où nous emmener pour déguster des spécialités. Hiroshima pour beaucoup c’est la ville de la bombe atomique, un fait historique lié à la mort, mais il est important de la regarder aujourd’hui pleine de vie. Bien sûr, on ne passe pas à côté de son passé dont la ville porte encore les stigmates. Avec Yann, on aborde ce sujet difficile de manière interactive et sensorielle. On touche, on observe, on réfléchit et on regarde. On ressent l’histoire jusque dans les tripes alors qu’on a pas posé les pieds dans le fameux musée de la paix.  Je ne vous en dirais pas plus. Je ne vous en montrerais pas plus. Je vous laisse découvrir tout ça de vos propres yeux aux côtés de Yann. 

Bravo l’ami, c’est du bon boulot !

__________

Suivez moi sur Twitter, Facebook et Instagram