Le Japon de l’envers

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Le Japon, pays des samouraïs et des geishas. Archipel à la pointe technologique avec un niveau de vie très élevé. Voyager au Japon, c’est faire un bond vers le futur. Mais cette avancée frénétique vers un avenir technologique n’empêche pas son peuple de maintenir ses traditions pour former un cocktail paradoxal (pour nous, pas pour eux). Démocratie puissante, pays « clean », tourné vers l’écologie (pfff), proche de la nature avec comme fer de lance le fameux Mont Fuji. Terre composée d’immenses villes où les gens travaillent avec une grande précision du matin au soir et se déplacent dans des trains bondés jamais en retard avec des pousseurs sur les quais et …. rho j’en ai marre d’écrire ce texte !


J’espère que vous y avez cerné le second degré. Car je crois avoir balancé pas mal de mots magiques non ? Ah, j’ai peut-être oublié sushi, kawaii, manga, robots et jeux-vidéos ? Il doit y en avoir d’autres encore que j’oublie.

Regardez la photo plus haut d’Osaka. Telle est l’image qu’on se fait des villes japonaises, fascinantes certes mais un peu inhumaines à cette échelle. On aurait peine à croire que, cachés dans ces blocs apparents de béton se trouvent des lieux, des matières, des gens qui sont hors des grandes idées de base sur le Japon.

Pas de building, pas de frénésie, pas de technologie, pas vraiment de richesses, pas forcément beaucoup de travail, pas beaucoup de consommation futile ou de paraître, pas de prise de tête, pas vraiment de retenue et pas de soucis avec le bordel. La sobriété japonaise semble bien loin.

Vétuste, désuet, ancien, abîmé, bricolé, rafistolé, vieillot, tels sont les mots qui me viennent à l’esprit quand je me balade dans ces quartiers populaires si charmants qui font parfois penser à un taudis de pays riche.

Le mélange de matière, d’époques, de style donne un cachet sincère à ces lieux en marge mais jamais bien loin de tout.

Entre les grands immeubles se cachent parfois des petites ruelles étroites aux antipodes du décor rutilant des boulevards tout proches. Quelques lanternes s’illuminent le soir pour égayer un passage qui collectionne les moteurs de climatisation. On s’engouffre sans trop savoir où l’on va ni si l’on en a seulement le droit.

La touche exotique n’est jamais loin, comme une note d’espoir. Une éclaircie sur un visage parfois monotone tels des Origami accrochés sur les barreaux peu accueillants d’une fenêtre.

Poubelles et compteurs d’électricité, asphalte troué dans lequel s’entasse l’eau de pluie et où se reflète l’envers de la ville.

La gentillesse est toujours là, la vraie cette fois, celle qui s’accompagne parfois de maladresse. Mais ici, si quelqu’un pense non, il dira non et si t’es pas content c’est pareil. Si un couple veut marcher main dans la main, il le fait. Si un homme veut fumer en marchant dans la rue, il le fait. Si une grand-mère veut gueuler contre les gosses qui jouent bruyamment dans la rue, elle le fait. Si un commerçant veut regarder l’étranger que je suis dans les yeux, il le fait.

La sincérité y est encore un peu régulée il est vrai mais juste ce qu’il faut, entre esprit collectif et affirmation de soi. J’existe sans piétiner les autres et je peux garer mon scooter en laissant les clés dessus.

Il n’y a pas que les matières qui sont anciennes, les pratiques le sont aussi parfois. Avouez qu’en regardant la première photo de cet article on a du mal à imaginer que celle ci-dessous à été prise au coeur de la même ville.

J’aime ce Japon qui ne connaît pas le sèche-linge ou le double-vitrage, qui utilise des téléphones en bakélite, qui se soucie peu de l’isolation des maisons car on ne l’a jamais sensibilisé sur le sujet, qui fait pousser des plantes et des fleurs dans la rue, qui bricole au petit bonheur sa gouttière rouillée, qui scotche un rétroviseur sur un poteau pour faciliter la circulation des voitures, qui utilise un pot de peinture comme cendrier sur le bord de la route, qui se laisse envahir de mauvaises herbes que personne n’enlève vraiment ou qui utilise encore des bouliers pour calculer les transactions commerciales.

On a l’impression que le monde s’est arrêté ici. Il vieillit depuis 30, 40, 50 ans et ne se renouvèle que peu. Une télé récente par ci par là mais dans un contexte rétro digne d’un Musée sur l’habitat d’après-guerre.

Partout au Japon, il existe ce genre d’endroits. Partout il reste des maisons de bois éparpillées pas loin d’une galerie commerçante bercée par de vieux tubes crachés des entrailles de haut-parleurs vieillissants, le tout sous une toiture bâchée qui se troue petit à petit.

Ce Japon là, on n’en parle pas beaucoup. Les Japonais en ont honte (ils ne devraient pas). Il est déroutant, crasseux, poussiéreux, ce n’est pas l’image qu’ils veulent donner de leur pays et ce n’est pas l’image que l’on s’en fait en Occident. Mais le Japon est aussi un pays qui vit avec ses propres inégalités et ses micros univers. Et puis qu’on le veuille ou non, il ne faut pas oublier qu’on est en Asie et donc on retrouve, toutes proportions gardées, ces quartiers populaires aux effluves enivrantes, où la bière coule à flots pour des clients installés dans des restos de fortune, au coin d’une rue, assis sur des cagettes de bières et des tables récupérées à gauche à droite. Et ça rigole, ça braille, ça vit à fond !

Le cuisinier fait griller ses brochettes la clope au bec mais n’est pas avare d’interactions avec les passants. Son collègue découpe du poisson cru sur une planche en bois à l’intérieur d’une minuscule cuisine dont les murs sont salis par l’humidité et la graisse transportée en fumée. Et si ça ne vous plaît pas, vous pouvez toujours aller au MacDo ou à toutes autres adresses de ce monde aseptisé, sans saveur et impersonnel que l’on connaît tous très bien. Bref regardez plutôt la photo ci-dessous pour y chercher la pointe technologique et le futur.

Toutes ces photos ont été prises à Osaka, capitale nationale de cet univers populaire. Un aspect du Japon tellement intéressant. Mais chuuuuuut ! Il ne faut pas le dire !

Laissons les Japonais superficiels et complexés qui ne se dévoilent pas pour les autres, nous on retourne rigoler avec des gens plus entiers.

Réflexion sur l’authenticité au Japon

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Authentique, voilà un joli mot, parfois un peu galvaudé. Concernant le patrimoine il pousse pourtant une vraie réflexion au Japon. Nous autres, Européens, baignés dans notre vieille pierre parfois millénaire, il serait presque inconcevable de penser à reconstruire aujourd’hui un ancien bâtiment détruit (même si ça a été fait). Ça nous arrive parfois d’opérer à des retouches sur des ruines mais souvent on laisse les choses telles que les aléas de l’histoire les ont transformées.

Authentique a la définition suivante : « Dont l’origine, la réalité, l’auteur sont certifiés. »

Avouez que ça laisse quand même une belle marge d’interprétation quand on parle de bâtiments. D’autant plus qu’au Japon, la question se pose souvent au sujet de la reconstruction. N’oublions pas que les bâtiments historiques, par leur simple présence visuelle, permettent de témoigner de l’histoire et consolider l’identité d’une région ou d’une ville. L’intérêt de reconstruire va bien au delà de l’aspect touristique qui en découle.

Si on définit comme authentique un bâtiment qui existe encore aujourd’hui sans avoir été détruit et reconstruit par dessus ou sans qu’on y ait changé plus ou moins l’aspect ou la structure depuis sa construction, alors il ne reste pas grand chose d’authentique au Japon. Car si ce pays ne reconstruisait pas son patrimoine détruit au fil des siècles on ne pourrait pas admirer aujourd’hui beaucoup de ses lieux incontournables.

Par exemple :

  • Le Todaiji de Nara a été détruit et reconstruit deux fois, au 12e et 16e siècle. Le bâtiment actuel est bien différent de celui de sa première version.
  • Le temple Kiyomizu a été détruit et reconstruit en 1633.
  • Le Pavillon d’or actuel date de 1955.
  • Le Torii flotant de Miyajima date de 1875. Mais il y en avait auparavant depuis 1168.
  • Les châteaux, même les 12 considérés authentiques, ont bénéficié d’interventions de rénovation, bien que leur structure soit toujours d’origine. Himeji a par exemple subit des dégâts pendant la seconde guerre mondiale.
  • Terminé en 593, le temple Shi Tennôji d’Osaka est le plus vieux temple bouddhiste officiel du Japon. Il a pourtant été détruit plusieurs fois. Sa pagode s’est effondrée lors d’un typhon en 1934, reconstruite en 1940 et détruite à nouveau en 1945 par les raids aérien américains.
  • Les sanctuaires shinto d’Ise ont des bâtiments qui sont volontairement démontés et reconstruit tous les 20 ans. C’est la tradition de cet endroit. Une pratique bien particulière qui évoque tant de choses et pousse à se poser des questions intéressantes sur le sujet.

Certains vont peut-être définir par authentique un bâtiment qui, même reconstruit, respecte les techniques, les matières et l’esthétique d’origine. Autrement dit : à l’identique.

Au Japon, la patrimoine est plus un flux que seulement une matière. Et ce pays marqué par les catastrophes est en droit d’hésiter quant à celles à employer pour reconstruire son patrimoine. Le béton offre une résistance importante à l’ennemi public numéro un : les incendies.

Par exemple :

  • Dans le quartier d’Asakusa à Tokyo, le temple Senso-ji est entièrement en béton.
  • Les donjons des châteaux d’Osaka, de Kumamoto, de Nagoya, de Hiroshima, de Okayama, pour ne citer qu’eux, sont aussi en béton.

J’en profite pour souligner qu’on n’en rate pas une pour rappeler que le château d’Osaka est en béton comme si c’était une bonne info secrète à transmettre (entre voyageur ou via les agences de voyage) pour savoir ce qu’il faut snober durant son séjour ; mais parallèlement ces mêmes personnes ne semblent pas gênées par le fait que le temple Senso-ji de Tokyo soit en béton. Le savent-ils ? Telle est la question.

Certaines infos se transmettent injustement plus vites que d’autres. Et l’info supplante parfois le ressenti sur place. Que faut-il faire ? Se priver d’une visite sous prétexte que tel ou tel bâtiment n’est pas authentique ? Ou alors, y aller, se laisser porter par sa sensibilité et voir ce que l’homme d’aujourd’hui a fait de ces lieux chargés d’histoire et de quelle manière il fait évoluer ces formes et ces matières pour vivre avec son temps.

L’histoire ce n’est pas que le passé, on la façonne aussi dans le présent et nos actes actuels on en parlera dans le futur … comme une information qui nous survit. Et le voyage, ce n’est pas la visite d’un parc à thème de cartes postales. Voyager, c’est aussi découvrir comment l’homme a façonné et façonne le pays que l’on visite.

Le Japan Rail Pass c’est pas automatique

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L’industrie touristique de masse a réussi (volontairement ou pas) à imposer dans la tête des gens un séjour standard au Japon comprenant Tokyo, Hakone et Kyoto tout en imprimant dans la conscience, comme un réflexe, la prise d’un Japan Rail Pass qui se rentabilise à peine avec le-dit itinéraire.

J’écris donc cet article pour souligner un point qui me semble important : le Japan Rail Pass, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique ! 🙂

Il serait dommage en effet de partir au Japon sans profiter de ce Pass couvrant le réseau de chemin de fer de la compagnie JR. Mais, j’ai l’impression que la prise du JRP n’est parfois pas réfléchie par certains, qui se font parfois avoir finalement. Il faut procéder de la manière inverse. D’abord on réfléchit à ce que l’on veut voir et ensuite on calcule si le Japan Rail Pass se rentabilise.

Et pour calculer et simuler votre itinéraire en train, votre meilleur ami se nomme Hyperdia.

Je rappelle plusieurs points :

Un seul transfert entre Tokyo et Kyoto/Osaka ne permet pas de rentabiliser un Japan Rail Pass de 7 jours.

La compagnie JR n’est pas la seule au Japon. Si elle est la seule à proposer les transferts en Shinkansen ainsi que les meilleurs moyens pour faire de longues distances, elle ne règne pas en maître partout. Il est souvent plus facile de rayonner dans une région donnée avec des compagnies locales, souvent moins chères.

Hakone n’est pas l’étape qui va véritablement rentabiliser votre Japan Rail Pass. Hakone (que je ne conseille pas tellement d’ailleurs) est un lieu dominé par la compagnie Odakyu. Cette dernière propose des pass de plusieurs jours comprenant tous les systèmes de transports dans la région (bus, train, etc) et ce, au départ notamment de Shinjuku. Hakone peut aisément être visité en 2 jours depuis Tokyo en laissant ses gros bagages à son hôtel dans la capitale.

Les bus de nuit sont vraiment bons marchés au Japon. Vous pouvez rejoindre Tokyo et Osaka pour environ 5000¥

La solution la moins chère pour relier l’aéroport de Narita à Tokyo n’est pas proposé par JR mais par la compagnie Keisei. En revanche, il n’est pas toujours pratique de se déplacer dans Tokyo avec les grosses valises pour rejoindre Nippori ou Ueno, seules gares où part le Skyliner de Keisei. Donc, en fonction de la position géographique de votre hôtel ou pour les petits budgets, Keisei s’avèrent être la meilleure solution.

EDIT : depuis, JR semble avoir rectifié le tir avec un prix largement à la baisse pour les touristes qui prennent le train Narita Express

De Namba à Osaka, vers l’aéroport du Kansai, la solution la plus rapide et la moins chère n’est pas proposé par JR mais par la compagnie Nankai. Et en plus, le train Rapi:t est assez original.

La compagnie Nankai est aussi celle qui domine et dirige tous les transports du Mont Koya. Aller à ce mont avec JR, c’est cher, long, fastidieux et quoi qu’il arrive, il faudra prendre du Nankai pour atteindre le sommet.

La compagnie Hankyu relie le coeur de Kyoto (Shijo-Kawaramachi) à Osaka en 45 minutes pour seulement 390¥. C’est la compagnie emblématique du Kansai !

Pour finir avec le Kansai, il faut savoir qu’il existe le Kansai Thru Pass, un pass illimité de plusieurs jours dans le Kansai comprenant toutes les compagnies (métro, Bus, train) sauf JR ! C’est un bon moyen de se déplacer entre les villes de cette région tout en profitant des métros et bus qui sont, le plus souvent, les meilleurs moyens pour se déplacer à l’intérieur des villes, n’en déplaise à JR.

Le but de cet article est seulement d’ouvrir les yeux sur le côté parfois trop systématique qui flotte avec le JRP et de prendre un certain recul. Mais qu’on ne s’y m’éprenne pas ! J’ai été moi-même un gros consommateur de Japan Rail Pass par le passé et je pense que c’est un vraie chance offerte pour voyager au Japon. Faites seulement bien attention à ne pas sortir le portefeuille trop vite.

Dernier point :
Faire des centaines de kilomètres de ville en ville, c’est bien. Mais explorer une région en profondeur, c’est très sympa aussi. Il y a des choses à voir partout au Japon ! Et dans le cadre d’un second voyage, il peut être judicieux de changer la manière de fonctionner. En ce sens, n’oubliez pas que la location de voiture au Japon vous ouvre des perspectives fantastiques que le train ne pourra jamais vous offrir.

Une mission dans le centre du Japon

Par Posted on 2 min lecture

En voyage, il faut faire tout le contraire des singes de la sagesse. Ils se bouchent oreilles, yeux et bouche. Un voyage c’est avant tout une expérience sensorielle qu’il faut savoir cueillir.

Je reviens tout juste d’une mission à travers le centre du Japon. Depuis Tokyo sur les routes de montagne de l’île de Honshu et à travers des villes relevant chacun de petits joyaux disséminés ça et là.

Première étape à Nikko et son célèbre sanctuaire Toshogu en l’honneur de défunt Tokugawa Ieyasu. Un sanctuaire shinto plus que particulier tant son style s’éloigne des standards de l’archipel.

Ici, l’idée est d’en mettre plein la vue et c’est réussi. Mais comme pour le Pavillon d’or, ces monuments ne sauraient représenter la réalité graphique de l’âme esthétique japonaise.

Petit détour pour aller photographier la cascade de Kegon dans les montagnes environnantes de Nikko. Moi qui ait visité l’Islande, où la démesure est omniprésente, les petites cascades nippones ne me font plus grand effet 🙂

Direction Matsumoto et son château, un des plus jolis et authentiques du pays. On le voit souvent de jour. Cette fois-ci, je vous le présente de nuit, tigré de noir et blanc.

Puis, Kanazawa, une ville riche en culture et en histoire. Une des rares villes de ce pays à pouvoir vraiment supporter la comparaison avec Kyoto sur certains points en terme de raffinement et d’esthétique. L’incontournable du coin, c’est le jardin Kenroku-en dans les hauteurs de la ville.

On s’est engouffré ensuite dans les Alpes japonaises où l’on a pu voir les dernières neiges au sommet des montagnes.

Enregistré au patrimoine mondial de l’Unesco, le village de Shirakawa-go est toujours aussi photogénique malgré la présence grandissante des touristes.

Beaucoup connaissent la route du Tokaido, mais j’ai un petit faible pour sa voisine, celle de Nakasendo. Là-bas, les villes-étapes (shukuba-machi) n’ont parfois que peu changé depuis l’ère Edo.

Le matin est propice aux balades entre ces maisons de bois. Et avec un peu de chance on peut même apercevoir les postiers de la vallée de Kiso qui perpétuent les traditions vestimentaires d’il y a plusieurs siècles.

Retour à Tokyo mais en passant d’abord par Kamakura pour une dernière photo de son bouddha de bronze. Je ne l’avais pas vu depuis 2006. Aujourd’hui, je me rend compte qu’il est quand même de moins bonne facture que celui de Nara, qui lui est beaucoup plus ancien. En revanche, le fait qu’il ne soit pas à l’intérieur d’un temple le rend peut-être plus photogénique.

C’était étrange de revenir à Tokyo après 2 ans. J’en ai profité pour revoir certains amis et dire coucou à David Michaud !